La consommation de vidéo sur les plateformes et medias sociaux continue de se développer au détriment des chaînes traditionnelles, les publics jeunes ouvrant des tendances qui doivent, parfois, encore être confirmées par les plus âgés par ailleurs de plus en plus connectés, tandis que les chaînes FAST se sont fait leur place aux États-Unis mais doivent encore faire leurs preuves ailleurs. Ce sont certains des enseignements de la conférence organisée par la société d’étude Omdia menée par les analystes Maria Rua Aguete et Tim Westcott le dernier jour du Mipcom. Ils ont proposé un tour d’horizon des principaux indicateurs du marché de l’audiovisuel et du divertissement à l’échelle mondiale.
La vidéo online creuse l’écart avec la télévision traditionnelle
Omdia s’attend à ce que le marché de la vidéo online mondiale continue de croitre l’an prochain pour représenter 435Md$, en hausse de 10% par rapport à 2024. La majorité, 62% (vs 61% en 2024) devrait être généré par la publicité, en plus forte hausse que les recettes provenant des abonnements. L’écart se creuse avec la télévision traditionnelle, qui, en baisse de 4%, devrait encore peser 314Md$, dont 40% généré par la publicité.
Autre gros générateur de chiffre d’affaires, le marché des jeux vidéo pourrait être pour sa part en hausse d’un peu plus 5% à 232Md€ dont 23% généré par la publicité. Plus bas dans la chaîne de valeur, Omdia prévoit une croissance proportionnellement supérieure pour la musique (près de 7%) et le cinéma (plus de 13%). Tout compris, le marché de l’audiovisuel et du divertissement devrait atteindre un total de 1,1 billion de dollars en hausse de 4,8%, alors que la croissance cette année était, selon des chiffres Omdia précédemment communiqués, de 7,2%.
Baisse de 3% de la production audiovisuelle en 2023, montée en puissance des européens
Les investissements dans la production audiovisuelle (acquisitions et production originale) ont pour leur part baissé de 3% l’an dernier à l’échelle mondiale, à cause des grèves hollywoodiennes des scénaristes et des acteurs et des économies des diffuseurs sur la production originale, a indiqué Tim Westcott. Les investissements devraient remonter cette année à 157Md$ (niveau proche de 2021 alors qu’ils avaient dépassé les 160Md$ en 2022, NDLR), l’Amérique du Nord pensant pour 49%, l’Océanie et l’Asie pour 19% et l’Europe de l’ouest pour 18%.
Les 20 premiers producteurs internationaux ont vu leur chiffres d’affaires baisser de 8% l’an dernier. Les studios américains ont, malgré les grèves, continué de dominer le jeu, mais tous, à part Sony Pictures, ont vu leur revenus issus de la production audiovisuelle décliner et ont perdu du terrain par rapport aux studios européens.
Warner Bros Discovery affiche la plus grosse baisse, le chiffre d’affaires de sa production audiovisuelle étant en chute de quasi 2Md$, la major passant de la 2ème à 3ème position, tandis que Walt Disney se laisse passer devant par quasi tout le monde. Le français Banijay arrive en 5ème position derrière Sony, suivi de Fremantle (qui appartient au groupe Allemand RTL Group) et de la filiale production de la chaîne privée anglaise, ITV studios, tous en croissance. BBC Studios clôture le top 10.
Youtube souvent en tête des audiences, mais à chaque pays ses plateformes favorites
Selon les recherches d’Omdia Consumer Research dans six pays, Youtube arrive à chaque fois plateforme vidéo leader, mais l’ordre diffère beaucoup ensuite. Instagram Reels arrive deuxième aux USA, au Brésil et en Corée du Sud, tandis qu’au Royaume-Uni et en Allemagne ce sont les plateformes BVoD des chaînes traditionnelles, l’iPlayer de la BBC pour l’un, ARD Mediathek pour l’autre.
Netflix est troisième aux USA, au Brésil et en Corée du Sud, et n’est que quatrième au Royaume-Uni (derrière Channel 4), en Allemagne et en Espagne. Enfin, la forte percée de chaînes FAST (free ad-supported streaming television, c’est à dire des chaînes linéaires diffusées en streaming) est à noter aux USA, où Tubi et Roku Channel se positionnent en fin de top 10 devant les networks CBS et NBC, ainsi qu’au Brésil.
Les jeunes lancent les tendances, qui doivent parfois encore être suivies
La hausse de l’audience des plateformes et services vidéo est souvent portée plus fortement par les jeunes, et doit encore pour certains se généraliser aux autres tranches d’âge. Selon un sondage d’Omdia en avril 2024, 90% des 18-24 ans disaient regarder Youtube, contre, à l’autre bout de l’échelle, 69% des 55-64 ans, Youtube étant la plateforme utilisée par le plus large échantillon. Les 25-35 ans constituent la tranche d’age la plus friande d’Instragram Reels et de TikTok, à respectivement 73% et 70%, contre, pour les deux, 21% seulement des 55-64 ans. Netflix, service par abonnement, monte moins haut, regardé, pour la plus forte proportion, par 57% des 18-24 ans, mais sa cible est plus étendue, touchant 43% des 55-64 ans.
Le poste TV, de plus en plus connecté, redevient le premier support vidéo avec l’âge
Youtube est consommée à 52% sur un poste TV aux États-Unis. Ce sont 83 millions de personnes qui regardent Youtube sur leur télévision connectée ou 1/4 de la population américaine. Les utilisateurs de Netflix disposent pour 83% d’entre eux d’une télévision connectée, soit 63 millions d’abonnés.
Là aussi, les usages diffèrent grandement selon les âges. Selon un sondage effectué par Omdia dans cinq pays, les 18-24 regardent de la vidéo d’abord sur leur smartphone, leur consommation étant ensuite assez partagée entre plusieurs supports, les smart TVs, les tablettes, et l’ordinateur. Par la suite, plus ils vieillissent et se sédentarisent, plus ils ont tendance à choisir d’abord le poste de télévision pour consommer de la vidéo, même si, à l’heure digitale, les modes de consommation sont, chez tout le monde, relativement diversifiés. Ainsi, les 45-65 regardent en majorité sur leur smart tv et leurs boxes, bien moins sur leur smartphone et leur tablette, mais un peu quand même.
Des centaines de chaînes FAST à consommer.. ou à ignorer
Un marché continuant à se développer est celui des chaînes FAST (chaînes diffusées en streaming, souvent constituées autour d’une thématique ou d’un programme), mais pas partout à la même vitesse, « les revenus sont en hausse mais ils proviennent principalement des États-Unis » a souligné Maria Rua Aguete. « L’audience dispose de centaines de chaînes à regarder ou non! » a-t-elle ajouté. Omdia a répertorié non moins de 1 726 chaînes FAST aux États-Unis au 1er trimestre cette année, plus de 400 au Brésil et au Canada, plus de 300 en Australie… Il y en a également plus de 500 en France et en Allemagne où la consommation est cependant moindre.
Brésil prochain territoire de croissance du FAST?
Hors USA, le premier marché des chaines FAST est le Royaume-Uni où elles générèrent plus de 200M$ de recettes, puis le Canada et le Brésil à plus de 100M$, l’Australie et le Japon suivant mais étant sous ce seuil. Selon les pronostiques d’Omdia, c’est au Royaume Uni et au Brésil que la croissance du chiffre d’affaires devrait être la plus forte, la société prévoyant qu’elle double dans un cas et triple dans l’autre d’ici 2029.
Une multitude de profils d’opérateurs
Omdia a souligné également la diversité des opérateurs de ces chaînes FAST. A côté d’acteurs éditeurs natifs comme Pluto tv (qui appartient depuis plusieurs années à Paramount) ou Rakuten, un autre profil est celui des fabricants de matériel, notamment de télévisions connectées comme Samsung TV Plus ou LG, ou encore les boitiers Roku qui ont aussi développé leur smart Tv. Les diffuseurs TV sont également très actifs, cherchant à développer le trafic de leurs plateformes numériques. Enfin, beaucoup de ces chaînes sont également éditées par les détenteurs de catalogues de programmes comme Banijay, très actif sur ce marché.
BEAUCOUP DE TURNOVER CHEZ LES FAST. Dans une autre conférence, le même jour au Mipcom, la société de conseil, 3Vision, a pour sa part souligné la grande volatilité des chaînes FAST, beaucoup étant lancée mais beaucoup, aussi, disparaissant, le marché se cherchant encore. Au premier semestre, cette année, Freevee (Amazon) est ainsi la plateforme ayant le plus ajouté de chaînes FAST aux États-Unis, 87, mais aussi l’une de celle en ayant le plus arrêté, 72, soit un solde positif de 15 chaînes. La plateforme en ayant le plus supprimé fut Pluto TV qui a fermé 86 chaînes, et en a créé 61, le solde étant ici négatif de -25 chaînes.
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