L’accord entre les acteurs et les majors et streamers américains approuvé à 78%, malgré des craintes persistantes sur l’IA

Les membres de la Sag-Aftra ont ratifié le 5 décembre l’accord TV/cinéma qui a été signé le 9 novembre dernier avec les studios et streamers américains représentés par l’Alliance of Motion Picture and Television Producers (ou AMPTP) et a mis fin à la grève des comédiens qui aura duré un record de 118 jours.

Le vote fut de 78.33% pour et 21,67% contre, avec un taux de participation de 38,15%, soit de 55 000 membres (sur 160 000), un niveau supérieur que pour le précédent accord en 2020 (une participation de 27% à l’époque).

Le nouveau contrat court jusqu’en juin 2026. La Sag-Aftra l’estime d’une valeur d’1Md$, soit trois fois celle de l’accord de 2020. Il comprend notamment de meilleurs avantages sociaux, une augmentation des salaires minimaux (de 7% maintenant puis 4% en juillet  2024, et encore 3,5% l’année suivante), la création de bonus liés au succès des gros budgets des plateformes SVoD (regardés par plus de 20% de la base d’abonnés américaine lors des 90 premiers jours), des améliorations pour les rôles secondaires et sur des points divers comme les castings. Surtout, il tente pour la première fois de réguler l’utilisation de doubles numériques générés par intelligence artificielle.

IA : payer le comédien le même prix que s’il avait travaillé pour éviter les économies sur son dos

L’accord établit deux types de répliques numériques. La première catégorie, Employment-based Digital Replica, est liée à l’emploi d’un comédien dans une production spécifique et à l’utilisation de sa voix ou de son image recrée par IA (y compris pour modifier des dialogues). Dans ce cas, l’acteur, qui devra être prévenu au moins 48 heures avant, devra donner son accord dans un contrat ou une partie du contrat spécifique, l’utilisation de son double devant être décrite le plus précisément possible. Il sera payé le même nombre de jours que s’il avait effectivement travaillé, afin d’éviter que l’IA ne soit utilisée pour faire des économiques sur son salaire.  S’il est décédé entre temps, il faudra alors obtenir l’accord de ses représentants légaux, ou du syndicat s’il n’y en n’a pas.

La seconde catégorie, Independently-Created Digital Replica, concerne l’utilisation d’une réplique numérique qui ressemblerait à un comédien ou aurait la même voix, indépendamment d’un rôle et sans que l’acteur n’ait été employé par la production. Ce sera possible, mais après avoir recueilli son accord éclairé et négocié avec lui une rémunération, incluant les contributions sociale et pension de retraite.

Les cascadeurs et comédiens voix-off particulièrement inquiets

Malgré l’approbation du texte à une large majorité, le point de l’IA fut loin de faire l’unanimité parmi les membres de Sag-Aftra, certains ayant réagi sur les réseaux sociaux, estimant que le texte contraint peu l’utilisation de l’IA et au contraire lui donne le feu vert.

D’après des agents et avocats consultés par le Hollywood Reporter, si le texte oblige bien à recueillir l’accord du comédien, aucun garde-fou n’empêche la production de faire pression sur lui pour conditionner l’obtention d’un rôle à son accord concernant l’utilisation de son double généré par IA. Les cascadeurs voient leur métier potentiellement disparaitre, estimant que le texte incite à créer un double synthétique de l’acteur pour réaliser les cascades. Les acteurs réalisant les voix-off sont tout aussi inquiets.

Certains auraient voulu que l’utilisation de l’IA soit carrément interdite, ce qui n’aurait pas été réaliste, ont répondu dans différentes interviews les représentants de Sag-Aftra. Dans Variety, le DG et négociateur en chef Duncan Cabtree-Ireland reconnait que que le sujet suscite des peurs légitimes et compréhensibles, mais estime l’accord révolutionnaire, défendant le fait qu’il pose des bases solides qui pourront évoluer par la suite. La présidente Fran Dresher ajoute qu’avant l’accord il n’y avait rien, que les comédiens n’avaient aucun control, et qu’on commençait à entendre des histoires d’acteurs engagés puis remerciés après avoir été scannés sans savoir pourquoi.

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