Netflix va généraliser le mot de passe payant ce trimestre, en dit peu sur la version avec pub, veut diversifier les contenus

Netflix en aura dit le moins possible sur les premiers résultats de sa nouvelle stratégie lors de la présentation trimestrielle de ses résultats du 1er trimestre le 18 avril, cherchant surtout à mettre en avant sa bonne santé financière, son objectif de 18-20% de marge opérationnelle, le fort cash-flow généré, sa position de leadership jusqu’à présent préservée.

Le streamer a annoncé une petite hausse de 1,7 million à 232,5 millions d’abonnés au premier trimestre, améliorant le chiffre d’affaires trimestriel de 3,7% à 8,2Md$, et le résultat opérationnel de 21%, à 1,7Md$, avec un résultat net pour sa part en retrait mais tout de même de 1,3Md$. Tandis que, représentatif d’un changement d’époque, le co-fondateur Reed Hastings qui vient de quitter la direction opérationnelle, avait laissé place au duo de co-CEOs, Greg Peters et Ted Sarandos dans l’interview vidéo accompagnant la publication des chiffres.

Partage payant, des annulations puis les abonnements repartent

Pour connaitre l’accueil et le déploiement prévu de la version de Netflix avec publicité, il faudra encore attendre, le streamer ayant à nouveau déclaré que c’était trop tôt. Tout juste aura-t-il indiqué être satisfait des premiers résultats et être en train d’améliorer son service et l’offre aux annonceurs. “Nous avons toujours su que cela prendrait du temps” a indiqué Greg Peters.

Greg Peters

Quant au principe de rendre le partage de mot de passe payant, après des tests en Amérique latine, il fut mis en place dans quatre pays au premier trimestre, le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Espagne et le Portugal, selon le streamer, de manière satisfaisante, et c’est ce trimestre qu’il doit être déployé plus largement, notamment aux États-Unis. “Il s’agit pour nous d’une transition importante” a commenté Greg Peters dans l’interview vidéo, “nous travaillons dur pour nous assurer que nous le faisons bien”.

Netflix a rappelé à nouveau que les enjeux étaient importants, puisque que ce sont 100 millions de personnes qui profitent de mots de passe partagés actuellement. La plateforme a reconnu que la réaction première à l’augmentation des prix était le désabonnement, “mais ce qu’on a vu en Amérique latine c’est que par la suite ça redémarre, et ceux qui partageaient un mot de passe prennent un abonnement à leur nom” a assuré Greg Peters. “Au Canada, qui est un bon indicateur pour les États-Unis, nous avons davantage d’abonnés qu’avant le lancement du partage payant”.

Variations minimes sauf en Asie où Netflix gagne 1,5 million d’abonnés

Difficile en tout cas de se faire une idée avec la fluctuation des abonnements car elle est peu importante et les chiffres publiés ne racontent pas grand chose. En ce qui concerne la baisse des prix effectuée dans 116 pays pour la plupart mineurs, Netflix a indiqué que ce n’était qu’un ajustement, et que si le nombre de pays semblait important, ils pesaient moins de 5% du chiffre d’affaires.

Dans le détail, par rapport au trimestre précédent, la zone EMEA gagne 640 000 abonnés à 77,4 millions, les revenus étant aussi en hausse, et les États-Unis-Canada 100 000 à 74,4 millions, avec un CA stable. Il progresse par rapport au 1er trimestre 2022 grace à l’augmentation des prix qui avait alors eu lieu. La zone LATAM perd pour sa part 450 000 abonnés à 41,25 millions, mais cela fait suite à une forte augmentation le trimestre précédent a tempéré Netflix, et le CA est un tout petit peu en hausse. C’est en Asie-Pacifique que Netflix gagne le plus, 1,46 million à 39,48m abonnés, les revenus augmentant également.

L’Inde est notamment un territoire qui grossit actuellement dans la région. Par ailleurs, Netflix continue d’avoir du succès avec ses contenus asiatiques notamment coréens, comme, après le phénomène Attorney Woo l’été dernier (402 millions d’heures vues en 28 jours), lors de ce premier trimestre, la série en deux parties (de 8 épisodes chacune) The Glory, l’histoire de la vengeance d’une jeune femme après avoir été maltraitée à l’école.

Succès en deux temps pour The Glory

The Glory

Netflix l’a particulièrement mise en avant dans sa lettre aux actionnaires, indiquant que c’était la 5ème série en langue non-anglaise la plus vue depuis toujours lors de ses 28 premiers jours, avec 437 millions d’heures. Mais c’est un peu tricher, Netflix ayant vraisemblablement additionné les 28 jours des deux mises en ligne. La série n’en a pas moins eu une carrière remarquable, alors que la première partie monta au maximum à 82 millions d’heures en seconde semaine début janvier, elle réussi à créer l’attente, la seconde partie revenant toute puissante en mars à 124 m d’heures deux semaines de suite. Signalons que Netflix a aussi obtenu de bons scores dans un autre genre avec un jeu de télé-réalité coréen Physical: 100.

Diversifier les contenus

Full Swing

Netflix a insisté là-dessus, diversifier ses contenus, ce qui est considéré clé pour recruter et conserver les abonnés. La plateforme s’est ainsi félicitée dans la lettre aux actionnaires d’avoir eu des hits dans des genres divers. Son plus gros succès au 1er trimestre fut The Night Agent (photo en ouverture de cet article), série thriller d’action politique et 6ème série en langue anglaise la plus regardée depuis toujours lors de ses 28 premiers jours avec un cumul de 605 millions d’heures vues. A un autre niveau elle s’est aussi réjouit des performances de Full Swing, série documentaire sur le golf sur le modèle de Drive to Survive sur la formule 1 (loin cependant d’avoir aussi bien fonctionné); et de celles de That ’90s Show, incursion dans l’univers de la sitcom; ou, côté films, de celles la comédie romantique traitant des clichés communautaires, You People avec Eddy Murphy et du thriller de type serial killer (assez violent) Luther the Fallen Sun.

That ’90s Show

“Nos abonnés ont des goûts extrêmement variés, il faut différentes choses pour nos différents types de fans, et c’est ce que nous allons faire” expliquait Ted Sarandos dans l’interview vidéo, ajoutant que cette diversité était aussi nécessaire pour le partage de mot de passe payant et l’offre avec publicité. Il s’est aussi félicité que les nouvelles saisons de You, d’Outer Banks et de Ginny et Georgia soient toutes revenues plus fortes que les précédentes.

En ce qui concerne le budget programmes, la plateforme a concédé qu’il était un peu en baisse, mais compte remonter aux 17md$ dès 2024, la suite dépendant des nouveaux revenus générés.

Retransmission en direct : (malgré les couacs) dès cela fera sens

Love is Blind Live Reunion

Netflix vient de mener deux expériences de diffusion en direct, celle du spectacle de l’humoriste Chris Rock en mars, et plus récemment de l’épisode du dating de télé-réalité Love is Blind Live Reunion, qui pour sa part a du faire face à des problèmes techniques. Malgré cela, Netflix compte bien poursuivre l’expérience du live « dès que cela fera sens » a commenté, après s’être excusé pour le couac, Ted Sarandos. Ce qui était le cas avec Love is Blind the Reunion, épisode où l’on apprend si les couples sont toujours ensemble,  « car cela génère beaucoup de buzz », a-t-il expliqué « tandis que pour Chris Rock, tout le monde était dans l’expectative de ce qu’il allait dire » (après avoir reçu sa gifle de Will Smith aux Oscars NDLR) . Générer du buzz et nourrir et développer une communauté de fans sont en effet centraux dans la stratégie.

Pas de changement sur la stratégie des films ni leur sortie salle, la base d’abonnés suffit à les amortir

Ted Sarandos aura par ailleurs un peu botté en touche à une question sur les long-métrages. Fin mars, le licenciement de plusieurs responsables et regroupement des départements films à petits et moyens budgets ont en effet eu un certain retentissement, la presse se demandant s’il s’agissait d’un changement de stratégie vers des films plus mainstream. Parmi les licenciements se trouvaient en effet, Lisa Nishimura, VP des films indépendants et long-métrage documentaires, à Netflix depuis les débuts et très respectée du monde documentaire (c’est elle qui était derrière des succès comme Tinder Swindler ou avant ça Tiger King, et Making a Murderer).

Mais cette réorganisation n’aura pas été évoquée, Ted Sarandos se contentant de dire que tout va très bien du côté de la production de films, et de confirmer la pertinence du modèle Netflix. Et si ses concurrents reviennent tous quelques peu du direct-to-streaming, c’est qu’ils n’ont pas la base d’abonnés suffisante pour amortir ces films comme Netflix avec ses 230 millions d’abonnés, estime la plateforme. “Il est tentant de nous comparer aux autres, mais ce n’est pas la même échelle” commentait Ted Sarandos. Outre les studios US, qui logiquement cherchent à rétablir des fenêtres d’exploitation pour tirer le meilleur profit de leurs films, Apple et Amazon ont aussi ces derniers temps décidé d’offrir des sorties en salle dignes de ce nom à certains de leur films.

Grève des scénaristes : Netflix prêt à négocier, mais a de quoi tenir si elle se déclare

Ted Sarandos

Il s’est par ailleurs voulu rassurant sur les effets d’une possible grève des scénaristes qui menace aux États-Unis. “Nous ne voulons pas de grève, la dernière fois qu’il y en a eu une ce fut dévastateur (…) et nous sommes prêts à travailler dur pour trouver un accord équitable” a-t-il indiqué. “Si cependant elle a lieu, nous avons assez de programmes en cours autour du monde pour pouvoir servir nos abonnés mieux que quiconque et pour un bon moment. Mais soyons clair, nous sommes à la table des négociations et nous allons tout faire pour trouver des solutions et éviter cette grève”. La rémunération des scénaristes s’est dégradée aux États-Unis avec la montée en puissance des streamers et leur méthode de production différente de celle des network. Dernièrement les membres de la Writers Guild Association ont dit oui à 97,6% au fait de se mettre en grève si un accord n’était pas trouvé d’ici le 1er mai.

Arrêt prochain du business historique des DVDs

Enfin, le streamer a annoncé la fermeture de son activité DVD le 29 septembre prochain. Et oui, l’activité historique de location vidéo avec livraison des DVDs par la poste dans une enveloppe rouge reconnaissable fonctionnait toujours, et a même généré 142M$ de chiffre d’affaires l’an dernier, mais ce dernier continue de diminuer. Ted Sarandos lui a rendu un petit homage sur le blog de Netflix, où l’on apprend notamment que Beetlejuice fut le premier DVD envoyé.

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