Streaming et groupes US : une rentrée sous tension

Ce fut un été et c’est une rentrée des plus tendus pour le secteur audiovisuel américain, secoué par l’une des plus fortes grèves de scénaristes de son histoire, rejoints le 14 juillet par les acteurs. Ce alors que le secteur est en plein bouleversement avec la montée en puissance du très coûteux streaming, qui oblige les groupes à faire à tout prix des économies,  tout en conservant et même si possible en continuant à développer leur base d’abonnés et en dégageant des profits.

De plus, pour les majors qui ont toutes des activités traditionnelles, le marché publicitaire ne fut pas des meilleurs, affectant les chaînes TV linéaires déjà fragilisées dans leur audience et dans leur distribution par la concurrence des streamers, tandis que si la grève dure, les majors feront certes des économies sur les programmes qui ne pourront être produits, mais leur activité studio va aussi en pâtir (c’est peu le cas au second trimestre, la grève des scénaristes ayant démarré le 1er mai). Quand aux plateformes SVoD, elles commencent à avoir du mal à continuer de croître.

Marché à maturité? On remonte les prix

Aussi, du côté des plateformes, le maitre mot cet l’été fut l’augmentation des tarifs. C’est en cassant les prix du marché de la télévision payante, très chère aux USA, que la SVoD, Netflix en tête, pu avoir cette percée spectaculaire. Maintenant que le marché est constitué, on remonte les prix. Cet été, ce fut d’abord Peacock, la plateforme américaine du groupe NBCUniversal (Comcast) et l’une des moins chères, qui releva son offre sans publicité de 2$ par mois à 11,99$ (et l’offre avec pub d’1$ à 5,99$). Même augmentation chez Paramount+ qui, aux USA, a intégré les programmes de Showtime le 27 juin dernier, Paramount+ With Showtime coûtant maintenant 11,99€ (le prix est stable à 5,99$ avec pub mais sans Showtime).

Des augmentations significatives, mais qui furent finalement modestes par rapport à ce qui fut annoncé par d’autres. Pour continuer à avoir Disney+ sans pub aux États-Unis, à partir du 13 octobre il faudra payer 3$ de plus, soit 13,99$ par mois, Hulu passant de 14,99$ à à 17,99$ (pour quelques dollars de plus on pourra accéder à une offre groupée Disney+ et Hulu à 19.99$). Et le plus marquant fut l’annonce par Netflix de la suppression du premier prix sans publicité, l’offre à 9,99$ disparaissant. Il faudra donc verser minimum 15,99$ pour ne pas avoir de pub sur Netflix aux USA. HBO Max, devenue Max, s’était positionnée comme l’offre la plus chère en janvier dernier, augmentant ses prix (pour la version sans pub) à 15,99$. Ce n’est donc plus le cas.

Les plateformes ont quasi toutes adopté le double modèle d’une offre moins chère avec publicité, pour, si possible élargir leur base payante, en récupérant ceux qui partageaient un mot de passe gratuitement ainsi que les abonnés qui n’auraient pas les moyens ou la volonté de suivre l’augmentation. Ce n’est pas le cas Amazon, dont l’abonnement à Prime Video a été augmenté de 3$ aux États-Unis à 9,99$, et qui développe sa plateforme gratuite Amazon Freevee, mais selon un article du Wall Street Journal du mois de juin, c’est à l’étude.

Netflix, abonnements en hausse, quid de la pénétration?

Quand aux premiers résultats des nouvelles stratégies, lors de sa dernière publication de chiffre d’affaires, Disney s’est déclaré satisfait de ceux de Disney+ avec publicité, offre lancée en décembre dernier aux USA (à 7,99$), qui a engrangé au second trimestre 3,3 millions d’abonnés à 40% nouveaux. Elle sera étendue le 1er novembre au Canada et à un certain nombre de pays en Europe, dont la France, facturée 5,99€ (l’offre sans publicité grimpant de 8,99€ à 11,99€ par mois).

Netflix, pour sa part, ne donne toujours pas d’information officielle dans le cadre de ses résultats financiers sur l’offre avec pub (facturée aux États-Unis 6,99$ par mois, en France 5,99€). Tout juste la plateforme a-t-elle lâché pendant les Upfront (présentation annuelle aux annonceurs) en mai le chiffre de 5 millions de membres. Au second trimestre, le nombre d’abonnés de Netflix est d’ailleurs en hausse de 5,9 millions à 238,4 m (+6%), le chiffre d’affaires augmentant aussi, mais proportionnellement moins (+3%), le revenu moyen par abonné étant en baisse (-3%).

Zone
géographique
NETFLIX
Abonnements T2 2023
+/-
T1 2023
EMEA 79,81m+2,43m
UCAN 75,57m+1,17m
LATAM 42,47m+1,22m
APAC 40,55m+1,07m
TOTAL238,4m+5,89m
Source Netflix

Il demeure donc toujours tôt pour mesurer la réussite de la stratégie. Si le nombre d’abonnés progresse, ce n’est pas forcément le cas de la pénétration, donnée en baisse selon un certain nombre d’études, ce qui peut amoindrir l’impact de la plateforme. Rappelons que Netflix avait estimé à 100 millions ceux qui profitaient de mot de passe gratuit, dont beaucoup se sont donc logiquement trouvés coupés du service, et si certains ont vraisemblablement accepté la hausse des prix afin de continuer à faire bénéficier leurs proches et que d’autres ce sont abonnés, ce n’est certainement pas le cas de tous. Depuis le mois de mai, les titres les plus populaires de Netflix réalisent d’ailleurs de moins fortes performances d’audience que l’an dernier à même époque, peut-être aussi parce que, en ces temps de potentielle disette de programmes liée aux grèves, la plateforme se garde de grosses cartouches pour plus tard.

Moins de pertes pour le streaming, mais aussi moins d’abonnés pour certains

Plateformes
internationales
Abonnements monde
T2 2023
+/- T1 2023+/- T2 2022
Netflix238,4m+5,9m+17,7m
Amazon Prime Video*200m*N/CN/C
Disney+ (lancé en nov. 2019)146,1m-11,7m-6m
Max (HBO Max + Discovery+)95,8m-1,8m+3,6m
Paramount + (lancé en mars 21)61m+0,7m+18m
*Le nombre d’abonnés de Prime Video est estimatif selon d’anciennes déclarations d’Amazon qui ne donne pas ses chiffres.
Abonnés
USA-Canada
T2 2023+/-
T1 2023
+/-
T2 2022
Netflix75,6m+1,2m+2,3m
Max (HBO Max+Discovery +)54m-1,3m+0,9m
Disney+ 46m-0,3m+1,5m
Hulu (groupe Disney)48,3m+0,1m+2,1m
ESPN+ (lancé en avril 2018)25,2m-0,1m+2,4m
Paramount+N/CN/CN/C
Peacock (lancé en 2020)24,0m+2m+11m
Source : communiqués financiers des groupes

Si Netflix dégage des bénéfices, une marge opérationnelle en hausse à 22% au 2ème trimestre et un résultat net de 1,5Md$ ( la dette étant toujours de 14,5Md$), ce n’est pas le cas des activités DTC des majors, qui nécessitent toujours de forts investissements. Toutes cherchent à diminuer leurs couts, certaines, drastiquement, ainsi qu’à améliorer la profitabilité. La plupart des majors ont annoncé avoir fortement réduit les pertes du streaming au second trimestre, mais elles demeurent importantes, et, même si ce n’est souvent pas directement lié, plusieurs on vu le nombre de leurs abonnés se tasser. 

Warner Bros Discovery continue de licencier, ouvre Max à l’info

WBD a ainsi annoncé un chiffre d’affaires trimestriel en légère regression, mais avec un résultat opérationnel, priorité absolue, à nouveau positif et en hausse, ayant réduit les pertes du streaming à tout juste -3M$ (contre -555M$ un an plus tôt). Mais la fusion de HBO Max et de Discovery+ le 23 mai en Max a fait perdre 1,8 million d’abonnés à 95,8m, et le résultat net est fortement négatif (-1,2Md$) à cause des dépréciations d’actifs et frais de restructuration. Au cinéma, son film de super-héros, The Flash, a eu un box office décevant en juin, mais WBD s’est plus que rattrapé cet été avec l’énorme succès de Barbie, en passe de devenir le plus gros succès de la major au niveau mondial avec 1,3Md$ de recettes au 24 août.

Star de l’été, Barbie redonne le sourire à Warner dont elle devient le plus gros succès

La fusion de Warner Bros Discovery fut assez violente avec un objectif d’économies affiché au départ à 3 milliards de dollars puis augmenté à 4Md$ et maintenant à 5Md$, et le groupe continue les licenciements, dernièrement des suppressions de postes de responsables de haut niveau, dans ses chaînes du câble et notamment aux programmes, au marketing, ou encore sa responsable EMEA de longue date et son président des ventes TV internationales qui ne sont pas remplacés. WBD a toujours une dette massive de 47,8Md$ dont elle a remboursé 1,6Md$ au second trimestre.

Quand à Max, la plateforme va s’étoffer le 27 septembre d’une offre info, accueillant CNN Max, qui proposera notamment un service de news en direct 24/24, et le groupe réfléchit à intégrer également une offre de sports.

Les plateformes font le ménage, déprécient les flops

Chez The Walt Disney Company (44,5Md$ de dettes), Bob Iger, redevenu CEO depuis l’eviction de son trop dépensier prédécesseur en novembre dernier, s’est félicité d’être déjà parvenu à réduire les pertes des activités direct-to-consumer à hauteur d’1 milliard de dollars en seulement huit mois. Elles affichent cependant encore -512M$ ce trimestre. Mais le nombre d’abonnés de Disney+ est une fois de plus en baisse, de 11,7m à 146,1 millions, à nouveau principalement à cause de Disney+ Hotstar (-12,5m d’abonnés à 40,4m) avec la perte des droits de l’Indian Premier League Cricket. Hors Hotstar, l’international est en hausse de 1m à 59,7m et la zone Amérique du nord en toute petite baisse, tandis que Hulu et ESPN+ sont stables, à respectivement à 48 et 28 millions d’abonnés.

Disney emploi les grands moyens, sans convaincre la bourse

Disney a emboité le pas à WBD, lançant son propre plan de réduction de coûts massif (dont plus de 7 000 suppressions de postes), Bob Iger évoquant une “transformation sans précédent”, et lui aussi prévoit de dépasser ses objectifs initiaux de 5,5Md$ d’économies. Comme WBD, la major s’est mise à retirer certains programmes de Disney+ et d’Hulu, une cinquantaine entre mai et juillet, dont la série Willow (un budget de 106M$) dont les critiques furent très mitigées, dont le film de science-fiction Crater deux mois après son lancement sur Disney+, pour les passer en pertes et profits, dépréciant des actifs à hauteur de 1,5Md$.

Produire moins et mieux

Bob Iger a prévenu que le groupe voulait “rationaliser le volume de contenus produits”, ce qui vaut aussi pour les films cinéma dont il souhaite réduire le nombre et le coût, et maximiser l’exploitation sur les différents supports. Après une année 2022 au top côté box office avec les succès Black Panther Wakanda Forever ou Avatar : The Way of Water, la major a enchaîné cette année les déceptions. Ni le dernier Marvel, The Ant-Man and The Wasp Quantumania, ni le remake fiction de La Petite Sirène ou le dernier Indiana Jones, n’ont atteint le nombre d’entrées requis par leurs énormes budgets (200m$, 250m$ et 295m$). Ce qui fait questionner certains sur le business modèle des films Disney. Quand aux parcs d’attraction les entrées ont baissé aux États-Unis.

Ventes d’actifs non stratégiques

Bob Iger a ajouté qu’il repensait toutes les dépenses, ainsi que les marchés sur lesquels investir en priorité. Sans parvenir à convaincre la bourse, le cours de bourse ayant plongé. L’ancienne direction de Disney vient même d’être attaquée par un groupe d’investisseurs pour avoir dissimulé les coûts réels du streaming.

Les rumeurs vont donc bon train sur de possibles sessions d’actifs, celle de Star India et Hotstar en Inde selon le Wall Street Journal du 11 juillet, celle de National Geographic, voir même de certaines chaînes TV linéaires comme le network ABC et ses affiliées. En ce qui concerne ESPN, Bob Iger a déclaré qu’il n’était pas question de vendre mais, pourquoi pas, de faire entrer des partenaires stratégiques. Le groupe compte rester dans le sport qui “tient une position centrale dans le paysage audiovisuel d’aujourd’hui”, pouvant réunir une audience “quasi garantie” de millions et millions de personnes, a-t-il expliqué.

Bob Iger sur CNBC, des défis plus grands qu’il ne le pensait

Il n’a en revanche pas caché examiner toutes sortes d’options pour les autres chaînes linéaires, qui vont continué à être affectées, a-t-il indiqué lors d’une interview à CNBC, et ne sont pas toutes forcément clé pour le groupe. Disney est le plus touché côté chaînes TV, dont le résultat opérationnel est en retrait de 23% au 2ème trimestre (vs -7% et -13% chez WBD et Paramount). Ce qui a fait spéculer la presse anglo-saxonne, comme le Hollywood Reporter qui souligne que si elle est en baisse, l’activité des chaînes TV linéaires est encore juteuse, ayant généré 8 milliards de dollars de profits opérationnels l’an dernier. Et de relancer l’hypothèse d’Apple achetant ensuite un Disney allégé…

Réinventer le modèle du câble?

Disney tache aussi de renégocier ses contrats de distribution à la hausse avec les câblo-opérateurs, là aussi s’est heurté à un mur, le groupe Charter ayant décidé début septembre de retirer la vingtaine de chaînes Disney, dont ESPN alors que la saison sportive commence, de son service Spectrum TV (145 millions d’abonnés à New York et Los Angeles, entre autres, 2,2Md$ de redevance versée à Disney l’an dernier). “L’écosystème est cassé” estime Charter Communication dans son communiqué, prônant une nouvelle offre vidéo sur le câble incluant les offres SVod avec pub afin de la rendre plus attractive. Charter estime que les majors utilisent les profits générés par leurs chaînes TV pour faire vivre leurs plateformes DTC, tout en dépossédant ces chaînes de leurs meilleurs contenus. “Rien qu’en cinq ans, les chaînes linéaires (du câble) ont perdu 25 millions d’abonnés , soit 25% de leur clientèle totale” indique Charter. Disney a suggéré aux abonnés privés de chaînes de se tourner vers l’offre OTT.

Faire davantage circuler les contenus

Le groupe Paramount, qui a moins de dettes (15,6Md$ tout de même), mène aussi une chasse aux coûts mais un peu moins gargantuesque, et est lui déjà passé à l’acte de la vente d’actifs moins stratégiques, signant un accord cet été pour celle de l’éditeur Simon & Shuster à KKR pour 1,6Md$. Paramount a lui aussi réduit pertes du DTC qui pèse encore -424M$ sur le trimestre. Petite dernière, Paramount+, rebaptisée le 27 juin Paramount with Showtime aux USA, continue, elle d’engranger les abonnés, 700 000 ce trimestre, atteignant 61 millions.

Beaucoup de contenus ont également été retirés de la plateforme, ce qui en réduit les coûts des droits de diffusion, comme en juin, Grease: Rise of the Pink Ladies à peine la diffusion de son dernier épisode, ou encore l’animation Star Trek Prodigy dont la seconde saison était en partie produite, ce qui a occasionné de fortes protestations de fans, faisant voler une banderole au dessus des buildings de Netflix et autres, “Save Star Trek Prodigy!”. Cette fois, la raison en est aussi le rapprochement de Paramount+ avec Showtime, et de l’ajout des séries de cette dernière, dont Yellowjackets, Your Honor, Billions ou le Chi.

Paramount mise sur des offres (re)groupées

L’état d’esprit est différent chez Paramount qui intègre bien plus pleinement ses chaînes linéaires à sa stratégie générale. La chaîne Showtime ne change pas pour l’instant, mais reprendra aussi certains titres de Paramount+ d’ici la fin de l’année. La major veut repenser sa stratégie contenus pour le streaming, en optimisant les diffusions et en faisant davantage voyager les contenus entre les différentes plateformes et chaînes. Paramount veut produire des contenus plus efficaces qui fidélisent davantage les abonnés, en s’appuyant sur les datas pour étudier le comportement de l’audience.

La major a toujours privilégié les partenariats et offres groupées comme en Europe avec Sky (SkyShowtime) ou les accords de distribution avec Canal+, et souhaite développer cet aspect davantage. Le regroupement Paramount With Showtime est pour elle un bon exemple, mariant les séries plus sophistiquées et provocantes de Showtime, avec les contenus , plus populaires, de Paramount+, en maximisant donc la cible potentielle, tout en économisant plus de 700M$ a-t-elle indiqué.

Amazon ouvre la seconde fenêtre , jongle entre gratuit et payant

En amont de la sortie de Wheel of Time 2, la première saison gratuite

Chez Amazon, on expérimente également le fenêtrage. En Mai, la plateforme a annoncé que 100 Amazon originals (films et séries) allaient être rendus disponibles gratuitement d’ici la fin de l’année sur son service d’AVoD et de chaînes FAST, Amazon Freevee. Parmi ceux-ci, les premières saisons des séries phare Reacher et Wheel of Time, cette dernière en amont du lancement de la seconde saison sur Prime Video le 1er septembre.

La chaîne FAST Freevee Originals (ex Imdb-tv), a été à cette occasion renommée Amazon Originals, proposant toujours les productions originales de Freevee (comme la moku-réalité à succès Jury Duty) mais aussi maintenant celles de Prime Video en seconde fenêtre.

Lors de ses résultats du 3 aout, Amazon a par ailleurs annoncé le lancement de Amazon MGM Studio Distribution qui sera chargé de commercialiser, en plus du catalogue de MGM, certains Prime Video originals en seconde fenêtre auprès de diffuseurs tiers, dont la série phare The Marvelous Mrs. Maisel qui a eu cinq saisons et s’est achevée en mai.

Miss Maisel prête pour une tournée

Grèves : la peur de l’IA complique les négociations

Toutes ces intentions posées, la concurrence est au plus fort, et l’attractivité des programmes va donc être plus que jamais clé. Or les plateformes et majors américaines doivent gérer un autre problème, et non des moindres, d’une rentrée toujours, à l’heure ou nous bouclons ces lignes, affectée par la grève des scénaristes. Elle dure depuis maintenant 4 mois, où rien ne pu être développé, et celle des comédiens depuis juillet, où rien ne peut plus être tourné (sauf les productions indépendantes), affectant aussi les campagnes marketing qui ne sont plus soutenues par les acteurs.

Les majors étant actuellement au plus près de leurs sous, elles freinent des quatre fers dans les négociations et les échanges entre L’Alliance of Motion Pictures and Television Producers et la Writers Guild of America en août n’ont pas permis d’avancer sur assez de points, notamment celui d’un droit d’auteur proportionnel au succès. Ni ceux avec la SAG-AFTRA, qui représente160 000 acteurs, journalistes TV, animateurs, et autres artistes comme danseurs, chanteurs, voiceover, cascadeurs, etc. Ils veulent, avec l’inflation, une revalorisation de leur salaire et pension de retraite et eux aussi des droits liés au succès. Les développements rapides de l’intelligence artificielle aiguisent par ailleurs les peurs du côté des scénaristes mais aussi du côté des comédiens qui, de ce qu’ils disent, n’arrivent pas à obtenir des majors la garantie que leurs dialogues ne soient pas changés après coup ou leur image exploitée et donnée en nourriture à l’IA sans leur consentement et sans une juste rémunération.

Les plateformes se gardent quelques cartouches, les networks misent sur les formats

La grève a déjà commencé à faire des dégâts. Auprès des agences de talents notamment, peut-on lire dans la presse américaine. Dans cette ambiance de coupes budgétaires, la grève va certes permettre d’en faire, Disney ayant indiqué les dépenses contenus de l’année fiscale actuelle qui court jusqu’en septembre allaient se trouver réduites de 3Md$ à 27Md$ en grande partie à cause des grèves, WBD qu’elles en avait déjà fait économiser 100M$ au second trimestre. Mais cette dernière à ajouté s’attendre à un Ebitda bien plus bas que prévu (entre 300 et 500M$ de moins).

Nouvelle saison de Sex Education bientôt sur Netflix

Les plateformes ont très vraisemblablement économisé certaines séries pour se garder de belles cartouches pour plus tard. Disney+ a lancé fin août Star Wars : Ahosha, selon la plateforme, avec succès, puisqu’elle a annoncé 14 millions de vues pour le premier épisode. Rappelons que Disney+, moins adepte du binge viewing que les pure players comme Netflix, diffuse les épisodes au rythme hebdomadaire, celle-ci à 18h le mardi. Netflix ayant un gros volume de production, la presse américaine estime qu’elle sera la moins affectée. Parmi les gros lancements en septembre on attend la série (anglaise) Sex Education 4. Quand à Emily in Paris 4, quasi terminée, elle serait tout de même bloquée pas la grève, tandis que Bridgerton 3 aurait été fini de tourner en mars, bien avant le début de la grève, contrairement à Sandman 2 qui est en pause.

Yellowstone promu sur CBS

C’est plus compliqué pour les networks, dont le cycle de production est calé sur la saison, et la plupart de leurs séries vedettes n’auront pas de nouveaux épisodes de prêts. Ceux qui ont des événements sportifs devraient s’en sortir mieux. Ironiquement, la grève résulte de l’évolution des conditions de production liées aux plateformes et au streaming, mais c’est les chaînes TV traditionnelles qui risquent de plus en pâtir.

Ghost, diffusion sur CBS de la version originale anglaise

La plupart des networks ont dans un premier temps fait la part belle dans leur grille de rentrée aux formats de télé-réalité et autres concours de talents. Pour sa part, Paramount se montre à nouveau innovant en matière de programmation, jonglant avec ses quelques séries vedettes qui ont été produites. Le groupe a ainsi annoncé que la nouvelle et dernière saison de sa série phare diffusée habituellement sur Paramount Channel, YellowStone, serait diffusée sur le network CBS. Autre tactique, en l’absence de nouveaux épisodes de sa comédie à succès de la saison dernière, Ghost, CBS a acheté et va diffuser la série britannique originale dont elle est adaptée.

Séries internationales, un rôle à jouer?

The Swarm (Abysse) sur CW en primetime

Les séries internationales vont-elles, dans ce marasme, avoir un rôle à jouer? On note l’acquisition d’une série européenne de l’Alliance (initiée par ZDF avec France Télévisions), The Swarm (Abysse), un thriller écologique à grands monstres marins par le plus petit network, CW, pour diffusion à partir du 12 septembre le mardi à 21h.

Dans son communiqué financier, l’air de rien, Netflix se félicite du succès de certaines de ses productions internationales aux États-Unis, qui normalement ne s’intéressent qu’aux contenus locaux, souligne la plateforme. Le jeu Physical 100 (Corée) , ansi que les séries The Glory (Corée), Alice in Borderland (Japon), Marked Heart (Colombie), The Snow Girl (Espagne), Que Viva Mexico! (Mexico) et les films Hunger (Thaïlande) et AKA (France) sont tous apparus au moins une semaine dans un des tops streaming hebdomadaires américains de Nielsen, a signalé la plateforme. Outre Sex Education 4, Netflix va sortir la série anglaise The Crown 6, sans encore de date, et en octobre, la française Lupin 3 dont la première saison avait rencontré un fort succès à l’international.

Pareillement, Amazon fait remarquer que le film français (avec Franck Gastambide et Ramzy) Medelin, et le film romantique espagnol pour ados My Fault (Culpa Mia) étaient devenus les films en langue non-anglaise les plus regardés sur la plateforme depuis toujours, tandis que peu après, Disney+ et Hulu annonçaient le succès (sans donner de chiffres) du lancement de la série d’espionage coréenne Moving (adapté d’un webtoon), plus gros succès en Asie toutes langues confondues. Pour sa part, Paramount tache de rassurer indiquant avoir 85 productions en cours, dont beaucoup à l’international.

La production internationale des streamers sera-t-elle touchée par les économies?

Paramount a également indiqué à Variety être content de sa production originale et de sa stratégie à l’international, la plateforme y ayant une croissance à deux chiffres. Le groupe ne prévoit aucunement de supprimer de Paramount+ certains titres internationaux comme aux Etats-Unis, indique-t-il au magazine américain, il estime avoir le bon rythme de production. Disney envisage en revanche de réduire sa production originale dans certains territoires, envisageant même de supprimer son service dans marchés les moins porteurs, tandis que dans ceux considérés comme ayant un fort potentiel, le groupe continuera de produire, et d’investir en marketing. “Tous les marchés n’ont pas été créés égaux” a déclaré Bob Iger, repris dans TBI.

Update 20/09/23 : Depuis la publication de cet article, Paramount+ signé le 19 septembre des accords de distribution au Japon qui vont dans le sens des partenariats stratégiques d’offres groupées que le groupe cherche à nouer. Selon ces derniers, Paramount+ sera ainsi disponible sans supplément de prix le 1er décembre dans les offres du réseau câblé J:Com et de la télévision payante Wowow . Voir le communiqué de Paramount. Quand au groupe Disney, sa dispute avec le câblo-opérateur Charter Communications, vu ce qui était en jeu, n’a pas duré bien longtemps. Le 11 septembre, les deux groupes signaient un accord qui rend disponible Disney+ avec publicité dans certaines des offres du réseau câblé SpectrumTV, et ESPN+ dans l’offre premium. Toutes les chaînes ne sont pas rétablies, l’accord concernant 19 d’entre elles, ABC et ses stations locales, Disney Channel, FX, Nat Geo Channel, et les chaînes ESPN network. Sortent en revanche de l’offre, Baby TV, Disney Junior, Disney XD, Freeform, FXM, FXX, Nat Geo Wild, et Nat Geo Mundo. Le communiqué des deux groupes sur le site de Charter Communications.

Update 28/09/23 : Depuis, Amazon a également annoncé que Prime Video allait accueillir la publicité dans un communiqué, tandis que la grève des scénariste a enfin trouvé une issue.

Lectures complémentaires:

Articles dans Variety sur le business modèle des films Disney qui devient plus difficile, et sur les titres retirés en juin (Disney to Take $1.5 Billion Content Write-Off Charge in June).

A propos des spéculations de vente, l’article du Hollywood Reporter, A Disney Sale to Apple? Don’t Count It Out This Time, et dans le même journal Investors Sue Disney Over Alleged Chapek Era “Cost-Shifting Scheme” to Hide Streaming Losses.

L’interview de Bob Iger sur CNBC sur Youtube.

Le communiqué de presse de Charter Communications à propos de la dispute sur l’accord de distribution des chaînes Disney sur le câble.

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