Après une année 2020 en baisse de près de 500 heures à cause de la pandémie, la production audiovisuelle rebondit à la hausse en 2021, faisant plus que les récupérer, puisque le volume aidé par le CNC l’an dernier progresse de 792h (+21%) à 4.548h. Les devis s’envolent, enregistrant une hausse proportionnellement plus forte de 25,7% à 1.900,7 M€, atteignant un record.
Le volume de la production a vraisemblablement dû progresser davantage, l’effet plateforme étant peu sensible dans ces chiffres, beaucoup des productions de ces dernières étant entièrement financées donc ne faisant pas appel au CNC, et ne faisant pas partie des statistiques*. Il est tout de même bel et bien là, les diffuseurs online pesant pour 3,8 % des apports totaux des diffuseurs, contre 83,3 % pour les chaînes gratuites et 12,0 % les chaînes payantes comme Canal+.
Tous les genres ne sont cependant pas logés à la même enseigne, tandis que la fiction et l’animation sont dans une belle dynamique, les deux genres voyant aussi les investissements étrangers se renforcer, le documentaire est plus à la peine.
La fiction atteint un record, de même que ses apports étrangers
Le volume de la fiction aidée augmente très fortement de 37,7%, ou de 351h par rapport à 2020 à 1.281h, faisant plus que rattraper la baisse de 2020 qui fut d’une centaine d’heures, tandis que les devis sont en hausse (un peu moins forte) de 32,4 % à 1 090,8 M€, dépassant pour la première fois le seuil du milliard d’euros.
La commande renforcée des chaînes en feuilletons quotidiens pèse fortement dans la balance, explique le CNC. A eux seuls ils représentent 156h supplémentaires, et deviennent le premier type de fiction aidé (42,6 % des heures), devant les séries de 52 minutes (23,5%). Il font baisser le coût moyen de la fiction de 3,9 % à 851,9 K€ de l’heure.
Rappelons qu’après Demain nous appartient (TF1, 2017), puis Un si grand soleil (France 2, 2018), TF1 lançait en octobre 2020 un second feuilleton quotidien en access, Ici Tout commence (l’illustration de cet article) qui joue pleinement sur les chiffres 2021. La tendance pourrait cependant ne pas perdurer, France Télévisions ayant annoncé l’arrêt de Plus Belle la Vie.
Côté financement, les investissements des diffuseurs sont en hausse mais pas d’autant (+25,9%), leur part moyenne dans le financement reculant à 59,1% des devis (-3 points), les producteurs, notamment, faisant la différence : +41,7% à 208,4 M€ soit 19,1 % des devis (+1,2 pt)
Les investissements étrangers, en moindre progression de 23%, atteignent leur plus haut niveau depuis 20 ans. Ils s’opèrent un peu moins sous la forme de la coproduction qu’en 2020 où une superproduction européenne (Le Tour du monde en 80 jours) avait fait la différence, mais davantage sous celle de la pré-vente. Le nombre d’heures bénéficiant d’un financement international augmente de 40% (!) à 697 heures, soit plus de la moitié du total. Parmi les fictions ayant réuni un financement international, La Jeune fille et la nuit une coproduction de l’Alliance (France Télévisions, Rai, ZDF), ou HPI qui a réuni beaucoup de pré-ventes.
Animation, volume et international au top
L’animation, genre peut-être le moins affecté par les décalages du Covid, qui habituellement alterne année haute et basse, stagnait à 290-295h depuis deux-trois ans et repart à la hausse, de 21% à 357h, un des ses niveaux hauts. Les devis sont en augmentation plus marquée (+ 28% à 314,5M€), un niveau supérieur à la moyenne des dix dernières
années (228,6 M€). Le cout moyen augmente en conséquence de plus de 6% à 879,9 K€, son plus haut niveau historique. Avec la baisse du cout moyen de la fiction, l’animation devient aussi le genre le plus cher.
Les diffuseurs accompagnent le mouvement haussier, améliorant leur investissement de 30,6%, leur part dans le financement, la plus faible de tous les genres, progressant à 21,5% des devis (vs 21,1%). Le CNC fait de même injectant 42% supplémentaires (18,4 % des devis vs 16,7 % en 2020), et les producteurs dans une moindre mesure (+16%).
Mais ce sont les apports étrangers qui augmentent le plus : +32% à 91,2 M€, atteignant un sommet. L’international est la première source de financement pour l’animation en 2021. Ce sont 83% des séries d’animation françaises qui bénéficient d’un financement étranger.
Documentaire davantage à la peine
Le documentaire est le genre qui récupère le moins. Enregistrant une hausse plus modeste de +6,8 % de son volume à 1.869h, il ne retrouve pas le niveau de 2019, lui-même en baisse sur 2018. Ses devis sont en hausse de 5,1%. Genre sans doute le plus affecté par la pandémie, il continue de l’être en 2021 notamment en ce qui concerne les documentaires se tournant à l’international, où il subsistait beaucoup de contraintes sur les voyages l’an dernier.
Son poids relatif dans la production audiovisuelle française recule : 41% des oeuvres contre 47% en 2021. En termes de financement, les chaînes augmentent le leur modérément de 5,7%, le CNC quasiment pas (+1,6%), les investissements étrangers reculent d’un peu plus de 3M€ (-12,6%) et ce sont les producteurs qui font la différence (+14,7%). Au total, 464 heures de documentaires bénéficient d’apports étrangers. Le coût horaire moyen recule de 1,6 % à 197,0 K€.
Le documentaire de société renforce, logiquement, encore son poids (+14,1 % à 867 heures), représentant 46,4 % du volume total du genre. L’histoire est aussi en hausse (+4,2 % à 344h) ainsi que les arts (+5,8 % à 193h).
Spectacles à nouveau vivants
Bien que toujours impactées en 2021 par les fermetures de salles, les captations audiovisuelles de spectacle vivant repartent à la hausse, progressant de 44,4 % par rapport à 2020 (+228 heures) et de 7,1 % par rapport à 2019 (+49 heures) pour atteindre 742 heures, niveau au dessus de 2019, mais inférieur au précédentes années. La hausse des devis est du même ordre, ainsi que, peu ou prou, celles des financements diffuseurs et CNC. En revanche les financements étrangers continuent de se détériorer (8,0 % à 2,2 M€). Le cout moyen est à peu près stable à 135K€ de l’heure (-1,2%).
La hausse du volume concerne en particulier la musique (+174h) et notamment l’opéra (+48h), la musique classique (+40h), le jazz (+39h) et le hip-hop/rap /électro (+30h), tandis que théâtre progresse de 25h à 121 h. La musique classique reste le premier genre musical en volume avec 175 heures, devant l’opéra (98h) et la variété/rock (90h).
*Le compte de soutien automatique et le sélectif du CNC aident les productions bénéficiant de la commande d’une chaîne de télévision. Les productions avec plateformes apparaissant dans ces chiffres impliquent donc vraisemblablement aussi un diffuseur traditionnel. Le décret obligeant les plateformes à consacrer 20% de leur chiffre d’affaires à la production française dont 2/3 à la production indépendante n’est passé qu’en milieu d’année dernière, et les plateformes n’ont pas encore été intégrées au fonctionnement général du compte de soutien. Un fond sélectif experimental a dans un premier temps été mis en place dont le CNC n’a pas encore livré les enseignements.
Au moment où nous bouclons ses lignes, le CNC n’a pas encore fourni cette année le bilan détaillé complet spécifique à la production audiovisuelle, les chiffres étant sortis dans le cadre du bilan, plus large, de l’année du CNC, publié à l’occasion du festival de Cannes. Celui-ci passe aussi en revue les chiffres de la production de films cinéma et la fréquentation des salles, ainsi que les jeux vidéo, l’export…
La diffusion de séries américaines en baisse en 2021
La partie audiovisuelle comprend également des études sur la diffusion de films et de fictions à la télévision. En 2021, pour la seconde année consécutive, la fiction perd une vingtaine de soirées à 767. Cela est dû à une baisse du nombre d’entre elles consacrées à la fiction étrangère de 13,3 % (à 371 soirées) dont -14,6 % pour les séries américaines (à 187 soirées), compensée en partie par une hausse de celles de la fiction française (+10,3% à 396 soirées). La fiction sur M6 et la fiction américaine (en baisse de 50% sur 10 ans) atteignent de nouveaux bas.
France Télévisions, 41% des heures, 53% des investissements
Update 03/03/22. Le CNC a sorti le 3 juin son bilan plus détaillé de la production audiovisuelle en 2021. Celui-ci donne notamment les investissements par genre et par chaînes. Tout confondu, le groupe France Télévisions demeure le plus large commanditaire en nombre d’heures (1.868h en tant que premier diffuseur, soit 41% du total) et en investissements (450M€ ou 53% des apports diffuseurs). Le groupe public est dominant en fiction (44% des heures), en documentaires (43% des heures), en animation (37% des heures) et en spectacle vivant (33% des heures). Il est suivi plus loin par le groupe TF1 avec 616h initiées soit 13% des heures et 22% des apports diffuseurs, grace à son poids important dans la fiction (35% des heures et 30% des apports diffuseurs). En volume, Arte est à la suite, avec 565h soit 11% du total et un peu plus de 8% des apports diffuseurs, challengé l’an dernier par le groupe Canal+ qui pèse pour 10% des heures et près de 9% des apports diffuseurs, mais 2021 rééquilibre en fait une année 2020 plus faible.
Deux projets Neflix et un Amazon Prime Video au sélectif
On apprend également dans le bilan du CNC que trois dossiers ont été aidés par le fond sélectif plateforme, lors de son premier comité le 5 décembre dernier, pour un montant de 1,14M€. Deux concernent des projets pour Netflix : un projet d’animation et une série documentaire, l’autre étant un projet de fiction pour Amazon Prime Video. L’apport moyen sur ces trois projets s’établit à 67 % des devis, indique le CNC sans en dévoiler plus.
Le CNC relativise les indicateurs baissiers du documentaire
En ce qui concerne la récupération plus faible du documentaire en 2021 que celles des autres genres, le CNC insiste dans ses commentaires sur le fait que la baisse du volume horaire du genre des ces dernières années est « le fruit des recentrages sur le documentaire de création opérés ces dernières années, qui ont exclu du soutien certains programmes auparavant aidés ». L’institut relativise également la moindre hausse des devis cette année par rapport au volume, comparant le coût moyen des documentaires, de 197k€ l’an dernier, à celui d’il y a 10 ans, auquel il est supérieur de 31,6%, « signe de documentaires plus ambitieux et mieux financés » estime le CNC. De même il signale que les apports étrangers, en légère baisse l’an dernier, sont en hausse de 22,8 % si l’on compare par rapport à 2012.
Lire le bilan de la production audiovisuelle en 2021 sur le site du CNC.
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