Négociations exclusives pour une fusion de TF1 et M6 fin 2022

TF1, M6 et leurs actionnaires majoritaires respectifs, les groupes Bouygues et RTL Group, ont conclu un protocole d’accord d’entrée en négociations exclusives pour une fusion des activités de TF1 et de M6 en un groupe media français capable de “relever les défis résultant de l’accélération de la concurrence des plateformes numériques mondiales”, selon le communiqué commun. A l’issue de l’opération, qui doit se dérouler jusque fin 2022 pour avoir le temps de négocier avec les autorités de la concurrence, la nouvelle entité sera détenue à 30% par Bouygues, actionnaire de contrôle exclusif, 16% par RTL Group, et 54% par le flottant, dont environ 29% pour le flottant actuel de M6 et environ 25% pour celui de TF1. Le chiffre d’affaires du groupe fusionné s’élèverait à 3,4 Mds€ avec un résultat opérationnel courant combiné de 461 M€. Le potentiel de synergies, en impact EBITA, est estimé entre 250 et 350 M€ annuels à l’issu des trois premières années, indiquent les groupes. Après mise en commun des deux activités sur la base d’un ratio d’échange de 2,10 actions TF1 pour chaque action M6, le groupe Bouygues versera également 641M€ à RTL Group, correspondant à 11% de l’entité fusionnée. Nicolas de Tavernost, 70 ans aujourd’hui, sera proposé comme Président Directeur Général du nouvel ensemble fusionné. Gilles Pélisson sera nommé Directeur Général Adjoint du groupe Bouygues en charge des médias et du développement.

Cette fusion, que les deux groupes estiment “essentielle pour garantir l’indépendance à long terme de la création française de contenu”, permettra “d’investir davantage, et d’accélérer l’innovation”, indiquent-ils. Parmi les priorités affichées : “développer une plateforme nationale performante combinant une offre de rattrape et de streaming (fondée sur MyTF1 et M6 Play) et une offre SVOD” (TF1 et M6 sont déjà associés à France Télévisions dans Salto, NDLR). Mais aussi, développer des technologies de pointe en streaming et en publicité adressée et poursuivre le développement d’un pôle de production de contenus locaux et internationaux (…) avec l’ambition d’exporter davantage de contenus français”. En ce domaine, le groupe Newen (filiale de TF1) a dernièrement réalisé des acquisitions notables à l’international.

Dans sa réflexion sur les nécessaires mouvements de concentration du paysage actuel, RTL Group a donc choisi comme prévu la solution TF1 et d’accompagner la création du méga groupe français, décrivant ce projet de fusion comme “une étape majeure dans la mise en œuvre de notre stratégie visant à créer des champions nationaux des médias à travers notre présence européenne” a commenté Thomas Rabe, Directeur Général de RTL Group, dans le communiqué. “En tant qu’investisseur stratégique, nous serons des partenaires industriels à long terme de Bouygues ». Raab, qui prone une dérégulation du secteur et une plus forte concentration pour faire face aux GAFA, avait en début d’année dernière tendu une perche pour une fusion nationale à l’autre groupe privé allemand ProsiebenSat1, qui avait répondu qu’aucune discussion n’était en cours. Depuis, le groupe Italien Mediaset a augmenté sa participation à 24% dans ProsiebenSat1 en janvier cette année.

Reste à convaincre les autorités de la concurrence, car, concurrence des nouvelles plateformes ou non, le nouveau groupe va prendre un poids considérable notamment sur le marché de la publicité, TF1 et M6 captant à eux deux 70% des investissements TV, plus la radio RTL et leurs activités en digital.

Cette annonce intervient alors que par ailleurs, sous prétexte de la concurrence des plateformes, les diffuseurs essaient d’alléger leur obligations envers la production indépendante. Le fait que le nouvel ensemble soit dirigé par Nicolas de Tavernost, qui a notamment toujours plaidé contre la production indépendante, peut soulever un certain nombre d’inquiétudes. L’homme à la poigne de fer a dirigé M6 dans une économie très serrée, en en faisant un groupe avec une bien meilleure rentabilité que le leader TF1, ce qui est aujourd’hui payant en terme de valorisation, mais avec une puissance, notamment en termes de part d’audience 4+, bien plus limitée, et au détriment de la création notamment indépendante. En flux, domaine où les chaînes n’ont aucune obligations, une grande partie des émissions phare de M6 sont produites soit par sa filiale Studio 89 (Top Chef, Mariés au premier regard, Un diner presque parfait, Chasseur d’appart, ..) soit par Fremantle (L’amour est dans le pré, Incroyable talents) qui fait partie du même RTL Group, et la chaîne ne se ré-intéresse à la fiction française, genre le plus cher, que depuis récemment, sa fiction de primetime reposant encore beaucoup sur les séries américaines. Le communiqué parle de garantir l’indépendance de la création française, pas sur, donc, que cela garantisse en revanche l’indépendance des créateurs français. Le fait que Nicolas de Tavernost soit au commandes pourrait également annoncer une période d’austérité et de réduction de couts, synergies étant souvent synonymes de licenciements, et peut être ressenti comme un désaveux de la stratégie mise en place par TF1, un comble au moment ou la chaîne prouve sa capacité de résistance et son potentiel de toute puissance avec la série HPI qui malgré une fragmentation de l’audience au plus haut, a atteint des sommets d’audiences linéaires.

Voir le communiqué officiel sur le site du groupe TF1

Update 10/06/21 : L'autorité de la concurrence rendra son avis d'ici l'été 2022, a indiqué Isabelle de Silva, sa présidente, au micro de BFMTV le 8 juin.  Les deux groupes ensemble pèsent 42% de l'audience, 70% du marché publicitaire TV, 40% de la production audiovisuelle. L'une des reflexion sera de décider quel est le marché pertinent en terme de publicité. Si les recettes publicitaires de  TF1-M6, qui représentent environ 2,5Md€, sont dominantes en TV, elles sont du même ordre que celle de Google en France. Beaucoup d'autres aspects devront également être analysés, dont l'effet sur le marché des droits et sur la production, ainsi que sur la distribution des chaînes et des programmes.  Voir l'extrait de l'interview sur le site de BFMTV.  
Update 10/07/21 : signature officielle de l'accord à la suite de l'approbation du projet de fusion par les instances du personnel de Bouygues, TF1 et M6. Celles-ci ont rendu leur avis le 24 juin 2021, indique un communiqué commun des groupes,  approuvant unanimement le projet de fusion entre TF1 et M6, permettant ainsi aux groupes Bouygues et RTL Group d’une part et TF1 et M6 d’autre part, la signature entre eux des accords relatifs au rapprochement des groupes TF1 et M6. "La réalisation définitive de l'opération, qui devrait intervenir d’ici fin 2022, reste soumise aux conditions suspensives habituelles en la matière, en particulier les autorisations des autorités compétentes et les assemblées générales des groupes TF1 et M6" ajoute le communiqué.
Update 06/10/21 : le mois dernier, un article des Echos a révélé que les deux groupes ont commencé à sonder les acheteurs potentiels sur les chaînes qu’ils pourraient vendre afin de respecter la réglementation en vigueur qui empêche un seul groupe de détenir plus de sept fréquences sur la TNT (or TF1 et M6 en ont 10 à eux deux).  Les chaînes qu'ils sont prêts à vendre seraient, au choix,  6Ter, TF1 Séries Films, TFX et, surprenamment Gulli, a commenté Les Echos s'étonnant que la chaîne enfant soit dans le lot alors que M6 l'a particulièrement mise en avant lors de la présentation de sa grille de rentrée. Le processus suit par ailleurs son cours. Selon plusieurs articles, le CSA et le Ministère de la culture semblent voir la fusion d'un bon oeil. Contrairement à la présidente de l'autorité de la concurrence, Isabelle de Silva, mais qui vient de ne pas être renouvelée dans son mandat, ce qui soulève des interrogations dans la presse. Lien vers l'article des Echos du 14 septembre, Gulli parmi les quatre chaînes qui pourraient être vendues par TF1 et M6, celui de l'AFP du 8 septembre sur le site de 20 Minutes Fusion TF1-M6 : Un projet « naturel » et « compréhensible » pour le CSA, et celui du Monde du 5 octobre: Départ surprise d’Isabelle de Silva de l’Autorité de la concurrence

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