Le gouvernement a annoncé le 9 février avoir publié l’arrêté rendant applicable pour une période de trois ans la nouvelle chronologie des médias, qui a été signée par les organisations du cinéma et les représentants des diffuseurs le 24 janvier dernier, avec possibilité de la revoir tous les ans, afin de garantir sa nécessaire évolutivité, a indiqué le Ministère.
« Cet accord et son arrêté d’extension parachèvent la transposition de la directive Services de médias audiovisuels en tirant les conséquences, en matière de chronologie des médias, des contributions financières à la production d’œuvres européennes désormais imposées aux services de médias établis dans d’autres États membres de l’Union européenne qui ciblent le public Français par l’ordonnance dite SMA du 21 décembre 2020 et le décret dit SMAD du 22 juin 2021″ ajoute le Ministère.
Cette nouvelle chronologie donne aux chaînes payantes de cinéma la possibilité de diffuser les films dans une fenêtre de 9 mois après la salle (au leu de 18 précédemment), fenêtre pouvant être raccourcie à jusqu’à 6 mois en cas d’accord avec les organisations professionnelles du cinéma (au lieu de 8 précédemment). Ce qui est le cas pour l’accord de décembre dernier avec Canal+ et plus récemment de celui avec OCS. Le délai pour la sortie vidéo (physique ou à la demande avec paiement à l’acte – location ou achat) reste fixée à 4 mois après la sortie salle.
Comme on l’avait compris après l’accord avec Canal+, la nouvelle chronologie n’est pas si avantageuse qu’elle aurait pu l’être pour les plateformes. Netflix a signé un accord interprofessionnel lui permettant de diffuser les films 15 mois après la salle, une petite avancée par rapport à ce qui était possible avant avec la précédente chronologie qui permettait des délais raccourcis à 17 mois dans le cas d’accords interprofessionnels avec investissements dans le cinéma.
Les autres services audiovisuels à la demande par abonnement sans accord (les autres plateformes SVOD) devront attendre 17 mois avant de pouvoir diffuser des films, un grand mieux par rapport aux 36 mois précédemment imposés, mais ce qui demeure long pour ces plateformes qui dans les autres pays lancent maintenant leurs films en ligne parfois quelques semaines seulement après la salle. D’autant qu’elles doivent désormais investir 4% de leur chiffre d’affaires dans la production de films européens et français pour lesquels elles devront donc attendre un an et demi avant de pouvoir les mettre en ligne. Les groupes Disney et Warner, dont les plateformes Disney+ et HBOMax sont davantage cinématographiques que Netflix, ont fait connaitre leur désaccord et n’ont pour leur part rien signé.
Le texte sur la chronologie laisse cependant la porte ouverte à une fenêtre plus courte, de maximum six mois, en cas de nouvel accord interprofessionnel (donc contre investissements supplémentaires), ce qui mettrait les plateformes à égalité avec les chaînes payantes. Une telle négociation serait cependant pour l’instant difficile à cause de l’accord Canal+ qui comporterait des clauses garantissant à la chaîne payante une avance sur les plateformes de neuf mois, la chaîne étant, le cas échéant, en droit de réduire son investissement.
Pour leur part, les chaînes gratuites en clair qui investissent un minimum de 3,2 % de leur chiffre d’affaires dans la production de films ont toujours le même délai de 22 mois après la sortie salle, délai ramené à 19 mois pour les œuvres non acquises en télévision payante de seconde fenêtre ou par une plateforme SVOD. Les autres chaînes en clair qui n’investissement pas sont à 30 mois.
Les services vidéo à la demande gratuits (AVOD) obtiennent pour leur part un délai de 36 mois, contre 44 auparavant. Par ailleurs, les films et long-métrages documentaire dont le budget est inférieur à 1,5M€ peuvent bénéficier d’une dérogation à 12 mois si les différents acteurs pouvant le diffuser avant 22 mois n’ont pas fait d’offre d’achat.
Vidéo | Canal+, OCS | Netflix | Autres SVOD | TF1, M6, France TV | AVOD | |
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Mois après la salle | 4 | 6 | 15 | 17 | 22 | 36 |
La société d’auteurs la SACD n’a pas signé ces accords non plus, son délégué général Pascal Rogard redoutant qu’ils soient contre productifs pour le cinéma, et que les majors Warner et Disney ne décident de sortir leur blockbusters directement sur leur plateformes ce qui pourraient être dommageable pour les entrées en salle, et donc pour la taxe sur les entrées finançant en partie le cinéma français.
D’autres questionnements concernent OCS qui a renouvelé son accord avec les organisations du cinéma le 9 février contre une fenêtre également raccourcie à six mois mais en divisant par deux son investissement, même si en contre-partie la chaîne semble avoir offert, d’après le communiqué, des clauses élevées d’indépendance et de diversité. Orange Cinéma Séries promet un minimum garanti de 60M€ sur trois ans, soit 18% de son chiffre d’affaires actuel, alors que son précédent engagement de 2018 s’arrêtant fin de l’année dernière était de 125M€ sur trois ans (OCS a également une obligation de 6% de son CA dans la fiction, l’animation et le documentaire). Certes, l’avenir et le chiffre d’affaires d’OCS sont menacés, avec le probable arrêt de son partenariat à la fin de cette année avec HBO, dont les séries (comme Game of Thrones ou Succession) seront désormais réservées à la plateforme HBO Max qui sera alors lancée. Orange chercherait repreneurs ou partenaires. L’accord avec le cinéma lui facilite la tâche.
- Lire sur le site du Ministère de la Culture l’annonce concernant la publication de l’arrêté le 9 février La ministre de la Culture étend la nouvelle chronologie des médias à l’ensemble de la filière, et son communiqué du 25 janvier se félicitant de sa signature.
- Accéder au texte de la chronologie des médias 2022 tel que paru au Journal Officiel sur le site de Legifrance. Le précédent texte datant du 15 juin 2019.
- Le communiqué concernant l’accord OCS sur le site de l’ARP.
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