Première perte d’abonnés, Netflix à un tournant

Netflix a annoncé une perte nette de 200 000 abonnés lors du premier trimestre 2022 alors qu’était attendu un gain d’entre 2,5 et 4 millions, et ce malgré le succès de la nouvelle saison de Bridgerton.   

La plateforme ayant suspendu ses activités en Russie, c’est en grande partie à cause de la guerre en Ukraine que Netflix a enregistré cette décroissance, mais sans cet événement la plateforme n’en n’aurait pas non plus gagné beaucoup. En effet, elle perd 700 000 abonnés en Russie, sans cela, la hausse n’aurait donc été que de 500 000. La base nord-américaine de Netflix a aussi été affectée, pour sa part, à cause de la hausse des prix, et seule la zone Asie Pacifique est en hausse, l’Inde ayant à l’inverse bénéficié d’une baisse de prix.

Le chiffre d’affaires trimestriel est tout de même en augmentation, de 10% sur un an et le résultat opérationnel un peu au dessus des prévisions, en raison d’une moindre dépense en contenus que prévue. Mais si le chiffre d’affaires doit continuer de progresser dans les mêmes proportions au prochain trimestre, Netflix prévoit cette fois une chute de 2 millions d’abonnés. Les tendances du début d’année vont en effet persister tandis que d’un point de vue saisonnier, le second trimestre est généralement plus faible en termes de recrutements. Netflix ne se risque pas à des prévisions annuelles, si ce n’est de maintenir une marge opérationnelle de 19-20% et un flux de trésorerie positif, notamment en ajustant certains coûts dont celui des contenus.

«Comme le montre nos résultats et nos prévisions, notre croissance a considérablement ralenti » attaque la lettre aux actionnaires de Netflix. « Le streaming est bien en train de gagner sur le linéaire comme nous le prévoyions, tandis que les programmes de Netflix ont plus de succès que jamais à travers le monde. Mais notre déjà forte pénétration combinée à une concurrence plus importante, ont fait souffler des vents contraires. »

Le COVID qui a fait croître plus vite que prévu les abonnements en 2020, a par ailleurs brouillé les pistes, et ce phénomène est en partie responsable du ralentissement qui a suivi,  explique encore Netflix. L’augmentation des abonnements dépend aussi maintenant d’un certain nombre de facteurs extérieurs, comme la montée en puissance de la télévision connectée et du haut débit, la consommation de Netflix s’effectuant en majorité sur le téléviseur, ainsi que l’adoption par davantage de téléspectateurs des modes de consommation à la demande. Autre élément extérieur, les événements géopolitiques peuvent, comme on l’a vu également avoir un certain impact.

Monétiser le partage d’abonnement, augmenter l’audience, considérer la publicité

“Je sais que ces chiffres sont décevants pour nos actionnaires, mais à l’interne nous sommes parés et c’est le moment de nous surpasser” a commenté le Chairman et Co-CEO Reed Hasting dans la vidéo interview à propos des résultats.

La plateforme veut tacher de monétiser les partages d’abonnements, des essais d’offres intégrant des utilisateurs tiers étant réalisés ci et là. Si elle revendique avoir toujours facilité le partage d’abonnements à l’intérieur d’un même foyer, le fait que la pratique se soit beaucoup répandue en dehors lui fait perdre trop d’abonnés potentiels. Netflix estime que ses 222 millions de foyers abonnés partagent leur connection avec 100 millions d’autres, dont 30 millions en Amérique du Nord.

La croissance de l’ARM (average revenue per member ou revenu moyen par membre) et de l’audience seront dorénavant les indicateurs à surveiller, plutôt que la croissance du nombre d’abonnés, prévient Netflix, qui souligne que malgré la concurrence, sa part d’audience aux USA n’a pas bougé selon Nielsen. Elle veut maintenant la faire croître. Avec en tête une ouverture à la publicité? Netflix annonce considérer sérieusement le sujet et envisager mettre quelque chose en place dans un ou deux ans.

« Ceux qui nous suivent depuis longtemps savent à quel point j’ai toujours été opposé à la complexité de la publicité, lui préférant la simplicité de l’abonnement » a commenté Reed Hasting, « mais je suis pour la liberté de choix du consommateur, et lui permettre de payer un prix moins cher grace à de la publicité fait sens”.

Diversification des genres, dont l’unscripted

L’autre co-CEO et Chief content officer, Ted Sarandos a pour sa part fait valoir une audience “très loyale”, la nouvelle saison de Bridgerton ayant dépassé les prévisions, cumulant 627 millions d’heures vues en 28 jours, le plus gros à ce jour pour une série an langue anglaise. Ted Sarandos a également mentionné le succès du film The Adam Project avec 233 millions d’heures . “Maintenant il nous faudrait un Bridgerton et un Adam Project par mois”, a-t-il ajouté.

Il a surtout tenu à souligner la montée en puissance éditoriale réussie de Netflix dans différents genres et styles, comme, après les films originaux d’auteurs, les blockbusters à gros budgets tels que Red Notice, Don’t Look Up et The Adam Project. Une autre diversification récente est celle de l’unscripted (entendre par là télé-réalité, NDLR) a-t-il ajouté.

“Il y a trois ans nous en faisions zéro, alors qu’aujourd’hui nous sommes capable de créer de grosses marques et de développer des univers comme (les émissions de dating) Too Hot to Handle ou Ultimatum qui est très populaire actuellement un peu partout dans le monde”. The Ultimatum, Marry or Move On s’est classé deuxième au top global de Netflix des séries en langue anglaise ces deux dernières semaines avec 102 millions d’heures cumulées en dix jours, et figurant dans le top de 59 pays (dont la France). Rappelons que le mois dernier, le concours de gateaux Is It Cake? s’était déjà également placé second sans être cependant aussi puissant.

Ted Sarandos a également rappelé, en ce qui concerne la production internationale, le succès des séries coréennes, illustré par Squid Game mais pas seulement, un succès plus récent étant la série de k-zombie All of Us Are Dead, “alors qu’il y a quelques années nous ne produisions absolument rien en Corée”.

A noter par ailleurs côté documentaires les performances de Tinder Swindler, salué dans la lettre aux actionnaires, comme le plus gros succès documentaire depuis toujours avec 166 millions d’heures cumulées pour ce long-métrage. Ajoutons celui la semaine dernière du choquant Jimmy Savile: A British Horror Story sur l’animateur britannique pédophile et impuni qui s’est classé 9ème dans le top global des séries (avec 11 millions d’heures en un weekend) alors qu’il ne comporte que deux épisodes.

Parmi les prochaines séries, après trois ans d’absence, la nouvelle saison et quatrième de Stranger Things dont le trailer vient de sortir (la photo en illustration de cet article) et qui arrive fin mai. “Chaque épisode ressemble à un véritable film, nous sommes super enthousiastes”. a-t-il commenté. “Ce qui est à venir cette année est meilleur, avec plus d’impact, que ce que nous avons sorti en 2021 et on pense que 2023 sera encore meilleur!” a-t-il ajouté. Tandis qu’une autre diversification encore à ses tout débuts est le jeu vidéo.

Ces bonnes dispositions n’ont pas empêché de faire plonger le cours de Netflix qui avait déjà bien chuté avec l’annonce des résultats du trimestre précédent, mais était un peu remonté. Ce matin il perdait selon les articles 30-35%, d’autres valeurs de groupes ayant développé une offre SVoD se trouvant aussi légèrement affectées.

Nombre d’abonnés par zone (millions)T1 2021T2 2021T3 2021T4 2021T1 2022
Amérique du nord 74,3873,9574,0275,2274,58
Europe, Moyen-Orient, Afrique 68,5168,7070,5074,0473,73
Amérique latine 37,8938,6638,9939,9639,61
Asie, Pacifique 26,8527,8830,0532,6333,72
Total207,63209,19213,56221,85221,64
(source : lettre aux actionnaires de Netflix)

Update 18/05/22 : Depuis cet article, Netflix a confirmé travailler sur une version avec publicité, probablement avant la fin de l’année.

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