Retour pas encore post-Covid des marchés internationaux, alors que l’industrie des programmes se transforme

Welcome back!, c’était le slogan affiché un peu partout par le Mipcom, grand rendez-vous et marché incontournable de la rentrée pour le secteur international des programmes TV, où se vendent, s’achètent, se coproduisent les programmes qui arrivent ensuite sur le petit écran, salon qui après deux ans d’interruption a pu enfin se tenir à nouveau physiquement à Cannes du 11 au 13 octobre dernier. 

Et ce fut d’abord un vrai plaisir non dissimulé pour les participants de retrouver Cannes et de s’y retrouver, comme, presque, à l’accoutumée, avec en outre une météo idéale. Presque car très vite venait aussi la pensée de ceux, nombreux, qui n’étaient pas venus, tandis que de premiers signes rendaient palpable une participation fortement en baisse, comme la découverte le premier soir de certains des lieux de rencontres habituels fermés tel le bar du Grand Hotel, ou le lendemain matin celle d’un espace -1 du Palais des Festival également clos, témoignant d’un moindre nombre de stands important. 

Depuis avant l’été, les manifestations professionnelles ont recommencé les unes après les autres à se tenir physiquement avec des formules plus ou moins hybrides, et un niveau de participation plus ou moins affecté, selon leur composition d’origine, les temps étant davantage propices à des visites de voisinage.  Car si l’ombre du Covid semblait à ce moment là s’éloigner en France, le sujet n’étant quasiment plus traité par les journaux télévisés, c’était bien loin d’être le cas partout dans le monde,  la situation et le taux de vaccination variant grandement selon les pays, et beaucoup étant encore entravés par de fortes restrictions de voyage. 

Ainsi le Mipcom n’aura-t-il pas par exemple pu compter sur la forte présence habituelle de l’Asie et de l’Amérique latine, les américains étant aussi bien moins nombreux à avoir fait le déplacement, et c’est la participation européenne qui dominait. Par ailleurs, les grosses sociétés internationales, qui se doivent d’apporter la protection maximum à leur employés, se déplacent encore peu, tout du moins en bande, et les décisions de participation aux manifestations se prenant longtemps en avance, elles n’auront pas été massivement présentes comme habituellement au Mipcom. Les chiffres officiels en fin de marché confirmèrent la tendance : 4 500 participants contre 13 500 en 2019, dont 1 200 acheteurs vs 4 700 deux ans auparavant, venant de 35 pays par rapport à 110 habituellement, et 145 stands alors qu’en 2019 il y avait 2 000 sociétés exposantes.

Les participants se seront cependant vite habitués au nouveau circuit et dispositif, l’organisation ayant du coup regroupé la plupart des stands à l’espace Riviera, plus lumineux et finalement bien plus agréable, et arrangé le dernier étage en trois espaces cosy dédiés aux débats/discussions et cocktails, le Palais étant réservé aux projections de CannesSéries et aux keynotes et conférences. Et si un fort sentiment d’étrangeté perdura, les participants se déclarèrent plutôt satisfaits, comme souvent dans ces cas là, le moindre nombre de personnes ayant permis des échanges moins courts qu’à l’habitude et plus qualitatifs, tandis que le marché des programmes est pour le moins actif, même si quelque peu mouvant. 

L’absence des grands groupes aura également permis à certains autres acteurs plus petits, notamment français, de mieux s’afficher, ainsi l’association pour l’export TVFrance International maintenant intégré à Unifrance sponsorisait les sacs du Mipcom et avait fait de la publicité à l’entrée de l’exposition, emplacements laissés vacants par les grands groupes absents, tandis que Federation Entertainment était très visible avec une tente au couleurs de sa nouvelle série, en compétition à Cannes Séries, Le Tour du Monde en 80 Jours.

Un marché tout en transitions

Ce fut donc un Mipcom de transition, reflétant un marché international des programmes, lui aussi en transformation. Jamais il n’y a eu autant de contenus audiovisuels et d’argent, sauf que celui-ci est principalement injecté par et pour les plateformes, qui mettent toutes actuellement le curseur sur les originals, augmentant fortement le volume de production, après les Etats-Unis, un peu partout dans le monde. Leur développement symbolise également un changement de modèle chez certaines majors et grands acteurs américains, qui s’adressent maintenant à travers ces plateformes direct-to-consumer, c’est à dire au consommateur en direct, ce qui a des répercussions sur la vente de droits.

« Avant, nous vendions nos contenus à des distributeurs partenaires et à des chaînes à travers le monde » indiquait ainsi lors d’une keynote au Mipcom, Douglas Craig, SVP programming and acquisitions à ViacomCBS qui a lancé sa plateforme Paramount+ en mars dernier . « Alors que nous développons Paramount+,  notre objectif est, si l’on peut dire, de rapatrier ce contenu à la maison. Cela ne peut pas se faire en une nuit, cela prend du temps. Mais nous avons créé ces contenus et nous comptons en tirer partie pour nous même plutôt que de les céder à d’autres plateformes ».

Complexité pour les plateformes de se lancer en Europe

L’une des dernières nées de son genre, Paramount+ s’est lancé dans 25 pays cette année, à commencer début mars par les Etats-Unis, le Canada, l’Amérique latine, puis certains pays nordiques et l’Australie, et prévoit 45 territoires l’an prochain. “L’Europe est notre prochaine grosse frontière” a indiqué Douglas Craig, soulignant cependant, en plus du problème de la disponibilité immédiate des droits, de la complexité des marchés : “l’Europe devient plus compliquée, en plus des quotas et choses comme ça, il existe beaucoup de chemins différents en termes de distribution” a-t-il estimé.  « Nous ne nous focalisons pas exclusivement sur le direct-to-consumer, comme Disney+ peut sans doute le faire, nous travaillons avec nos partenaires habituels pour la distribution, afin de faire partie de bouquets et autres, nous ne misons pas tout sur une app”. 

Paramount+ va ainsi être notamment distribué en Angleterre, Allemagne, Italie par Sky (rien n’a encore été révélé concernant la France). Au sujet de Sky, la conférence Glance/Médiamétrie du Mipcom soulignait d’ailleurs que la plateforme européenne pay-tv était devenue un véritable agréggateur de streamers (Sky distribue Discovery+, Disney+, Netflix, Prime video, et a récemment signé un accord de distribution croisé avec AppleTV+ et encore un autre concernant la plateforme jusque là américaine Peacock, opérée par NBCUniversal qui fait partie, comme Sky, du groupe Comcast).

Paramount+ à la recherche d’objets sexys déclencheurs d’abonnement

Sky et ViacomCBS vont aussi pousser plus loin leur partenariat, créant ensemble une autre plateforme de streaming SVOD, SkyShowtime (combinaison de Paramount+ et de contenus Sky et NBC Universal), dans une vingtaine de marchés européens dont les pays nordiques, l’Espagne et le Portugal et des pays d’Europe centrale et de l’est. “Mais soyons clair, nous regardons d’abord notre développement du point de vue de Paramount+” a précisé Douglas Craig.

Ne pas oublier le marketing

Paramount+ dispose des programmes des marques du groupe : Paramount Pictures, Paramount Television, Showtime, CBS, MTV et Nickelodeon “qui est un fort indicateur de ce que consomment les enfants à travers le monde», a-t-il signalé. A Cannes, Paramount+ projetait un de ses premiers originals, déclinaison de sa franchise Star Trek en animation. “C’est le contenu original qui déclenche l’abonnement”, a rappelé Douglas Craig, « même si vous seriez surpris par ce qui fait rester les gens, les contenus pour les enfants constituant par exemple un puissant moteur, ainsi que le catalogue de séries et de films. Nous devons chercher à attirer les gens ainsi qu’à les garder, et nous en sommes actuellement au stade de rechercher ces objects sexys et brillants qui attirent les abonnés ».  Une plateforme de streaming a besoin en premier lieu de contenus, en second d’une excellente expérience utilisateur, mais aussi, en trois, de marketing, a-t-il aussi précisé. “Car vous pouvez avoir le meilleur contenu et la meilleure expérience utilisateur du monde, si personne ne le se sait…”

Boom de la production selon l’implantation des plateformes, la barrière de la langue tombe

En cette rentrée les plateformes américaines font leur tournée en Europe pour répandre la bonne parole auprès des producteurs sur leurs besoins en production locale, que, comme ses prédécesseuses, Paramount+ va développer selon les principaux pays où elle s’implantera, réfléchissant à un équilibre entre production américaine et locale qui pourrait être de 80/20 ou 70/30. Après Cannes, Douglas Craig allait ensuite s’exprimer au Mia Market en Italie, tandis qu’à Séries Mania fin aout début septembre, c’étaient d’autres responsables de plateformes américaines qui s’étaient déplacés et exprimés. Netflix, déjà extrêmement actif, y avait promu ses nouveaux développements en Russie, Disney+ HBO Max tous deux annoncé une montée en puissance de la production en Europe. Tous le disent et le répètent, l’objectif est à chaque fois d’avoir des répercussions pour attirer et fidéliser un public au niveau local, mais le plateformes ne sont pas contre un succès international, Netflix ayant procuré un passeport inédit à des séries comme l’espagnole La Casa de Papel, la française Lupin, et la coréenne Squid Game. Toutes ont gagné des renommées planétaires, sort réservé auparavant aux séries anglo-saxonnes et le plus souvent américaines, Netflix, éduquant quelque part les audiences à davantage d’ouverture. “Grace au doublage au sous-titrage, on voit actuellement les frontières tomber» faisait d’ailleurs remarquer Douglas Craig.

Classement par pays en nombre de streams selon l’indicateur Glance/Harris Interactive (1er semestre 2021)

Viaplay s’aventure hors de sa zone et compte bien rester actif dans les coproductions

“La magie d’aujourd’hui est que la langue n’est plus vraiment une barrière, les bons contenus trouverons leur audience”, indiquait aussi Anders Jensen, President et CEO de Nordic Entertainment (Nent Group) dont la plateforme Viaplay, connue pour tenir la dragée haute à Netflix dans les pays nordiques, va se développer dans des pays choisis à l’international. Elle va ainsi s’étendre d’une part à la Pologne et aux Pays-bas, ainsi que d’autre part en Allemagne, Angleterre et Etats-Unis où le positionnement sera plus proche de celui d’un BritBox pour les contenus nordiques, a expliqué lors du Mipcom Filippa Wallestam, executive vice-president and chief content officer de NENT Group. Là aussi les ambitions en matière de production originale sont énormes. Viaplay qui a produit sa première série en 2016, prévoit de lancer 50 originals cette année et 60 l’an prochain.

Les objectifs de Viaplay à l’international sont plus modestes que les grandes plateformes mondiales, visant dans un premier temps un total de 12 millions d’abonnés, moitié-moitié entre les pays nordiques et l’international, a expliqué Anders Jensen, décoré lors du Mipcom du Vanguard Award de Variety. Viaplay compte surfer sur la popularité du Nordic noir auprès d’audiences niche à l’international et notamment aux Etats-Unis, “même si ce terme est un peu daté” précisa-t-il, pour souligner que le genre s’était diversifié, “il s’agit davantage d’une manière d’écrire, de comment on reflète la société”. L’une des clés du succès de Viaplay dans les pays nordique est le fait de diffuser du sport, terrain sur lequel la plateforme ne s’aventurera pas trop ailleurs, en dehors des pays de voisinages, le ticket d’entrée des droits sportifs pouvant être très cher.

Le fait que les output deals se terminent avec les majors américaines va permettre d’investir à la place dans du contenu original, a aussi expliqué Anders Jensen. Le groupe ne recherchant pas une empreinte mondiale, il peut aussi plus facilement s’impliquer dans des coproductions internationales : “soit c’est un programme qui va être phare pour Viaplay et on va chercher à prendre les droits mondiaux, soit c’est également un programme phare mais trop gros pour nous, alors on va chercher à s’associer à un partenaire dans un pays où nous ne sommes pas, soit c’est un projet assez attirant pour être un Viaplay Original mais pas au point d’être phare et là peut-être on ne prendra les droits que dans quelques territoires”.

Problème de talents disponibles

Ce développement exponentiel de la production de séries n’est pas sans poser de problèmes en termes de talents disponibles, comme l’a souligné l’une des discussions débats ayant eu lieu au dernier étage du Riviera, où les différents intervenants pointaient le manque de scénaristes formés pour ces séries internationales ainsi que le de line-producers, un metier que ses longues heures de travail ne rendent pas très enviable.  Dans un autre débat, Bibiane Godfroid, patronne du groupe Newen expliquait que c’était ce besoin de sécuriser des talents qui présidait en partie à la stratégie de croissance externe. « La recherche de talents de nos jours est énorme, et pour obtenir ces talents il faut être gros, nous devons être capable de mener de gros développements » expliquait-elle, indiquant par ailleurs qu’à la suite de ses dernières emplettes (en Angleterre, Espagne et Allemagne), le chiffre d’affaires de la filiale de TF1 ayant triplé en deux ans.

Concentration, les groupes français veulent continuer de grossir

Les groupes français ont été particulièrement actifs dernièrement dans l’acquisition de sociétés internationales et comptent bien continuer de l’être. Lors du Mipcom, la filiale de Canal+, StudioCanal soulignait avoir récemment acquis la majorité de la société londonienne Urban Myth Films qui produit notamment La Guerre des mondes (en saison 3) dont elle détenait déjà 20% depuis 2016, ainsi que de la société basée à Munich, Lailaps Film, producteur notamment de Wild Republic pour la plateforme de Deutsche Telekom, Magenta TV, “ce qui nous permet de nous développer dans la production en langue allemande” a commenté Françoise Guyonnet, directrice des activités TV de StudioCanal.   “Il y a d’autres choses à venir au Royaume-Uni et en France, nous regardons toujours le Benelux, l’Italie, et aussi la CEE nous essayons de suivre l’empreinte de Canal+ International” (Canal+ vient de se renforcer dans les pays de l’Est, NDLR).

StudioCanal se diversifie actuellement à davantage de comédies, a également souligné Anne Chérel, Vice-présidente exécutive ventes et distribution monde, et, à propos de talents, fait davantage appel à ceux venant du cinéma, développant notamment une série avec le réalisateur canadien Xavier Nolan (Mommy). La société présentait par ailleurs sa nouvelle série adaptée du roman de Marc Levy Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites en présence de ce dernier, Marc Levy devenant show-runner pour l’occasion (comme a pu le faire avant lu l’écrivain américain Harlan Coben).

Interrogé sur le phénomène de fusions acquisitions en cours aux Etats-Unis, «la concentration créé généralement aussi des opportunités nouvelles pour de plus petits acteurs » a estimé pour sa part Douglas Craig. « Chaque vague de concentration est généralement suivie d’une période d’expansion. Est-on toujours dans la phase de concentration, ou passe-t-on à celle d’expansion? Ça, je ne sais pas”. Des rumeurs cet été évoquaient des discussions pour un partenariat plus poussé dans le streaming entre ViacomCBS et NBCUniversal, qui auraient envisagé aller jusqu’à la fusion, projet entravé par le fait que les deux groupes possèdent chacun un network (CBS et NBC) et qu’il leur aurait fallu probablement en vendre un.

La télévision linéaire cherche à se réinventer

Alors que beaucoup annonçaient un future uniquement à la demande, la télévision linéaire rebondi et cherche à se réinventer. A une discussion sur l’impact des plateformes, Sune Roland Jensen, Chief content officer de TV2 Danemark, racontait que le groupe avait lancé sa plateforme de streaming très tôt, rebaptisée 2PLay en 2013, qu’elle avait permis dans un premier temps d’attirer un public plus jeune,  fidélisé notamment avec les programmes de télé-réalité, et que maintenant on observait l’arrivée des 40 ans et plus, tandis que les habitudes de consommation changeaient à nouveau, re-basculant vers la télévision linéaire, mais par le biais de la plateforme de streaming. 

“Le linéaire représente toujours une partie importante de notre activité, cela ne va pas disparaitre” indiquait pour sa part Douglas Craig, indiquant qu’avec, par ailleurs, la plateforme de streaming AVOD (gratuite avec publicité) de ViacomCBS, Pluto TV, il s’agissait de recréer une expérience de télévision linéaire sur le digital.

Des chaînes Doctor Who et Hélène et les garçons

Le Senior vice president & general manager de Pluto TV, Olivier Jollet qui s’exprimait la veille, a expliqué viser les audiences niche, sous exploitées par la télévision traditionnelle mais aussi de plus en plus par les streamers, a-t-il estimé, et ce en créant tout un tas de chaînes thématiques, notamment autour d’une marque ou d’un programme, spécifiques à chaque pays selon ses gouts et spécificités. Olivier Jollet s’est ainsi réjoui de l’accord annoncé le jour même avec BBC Studios concernant la création de trois chaînes avec les programmes de la BBC dans cinq pays d’Europe, dont, en France BBC Drama Channel, et une chaîne Doctor Who qui diffusera les 10 saisons de la série. Il s’est également félicité d’avoir signé un contrat similaire en France avec Mediawan concernant les productions d’AB, Hélène et les garçons aura ainsi sa chaîne.

Il n’était pas le seul à noter un fléchissement des ambitions éditoriales des plateformes SVOD, qui, après avoir fait leur marque avec des séries de type pay-tv, s’intéresseraient, maintenant qu’elles grandissent, à des choses plus populaires.  «Ce qui marche bien en streaming et ce qui marche bien à la télévision linéaire est souvent la même chose » a ainsi commenté Alex Nahon, CEO de Channel 4 lors d’une keynote. « Les succès importants le sont sur les deux modes de diffusion. Aussi les streamers cherchent-ils maintenant des programmes de plus en plus gros, tendant vers l’audience de masse et s’éloignant de celle de niche » . 

Les usages continuent d’évoluer, prime au direct pour la télévision traditionnelle

En matière d’audience, l’année 2020 fut celle d’un retour à sa pleine puissance de la télévision traditionnelle dont la durée d’écoute, après une chute en 2019, fut en très forte hausse, bénéficiant des différents confinements. Elle a tendance cependant à retomber aux niveaux de 2019 cette année, selon la présentation de Glance/Médiamétrie, tandis que les habitudes de consommation continuent d’évoluer. La mise à disposition online avant diffusion a gagné en popularité en Grande-Bretagne où environ 400 programmes furent lancé de cette manière, ce qui peut, additionnée au replay, faire baisser de beaucoup la part de la diffusion en direct dans l’écoute totale d’un programme, surtout sur les chaînes de télévision payantes comme Sky Atlantic. D’un autre côté, Glance note une prime aux émissions en direct sur les chaînes traditionnelles, et pas seulement pour le sport, les meilleures audiences divertissement de cinq pays d’Europe sont ainsi composées à 85% d’émissions en direct.

La technologie s’invite dans les programmes

En ce qui concerne les tendances programmes, sans surprise, la présentation de Glance a confirmé le toujours fort développement des séries originales de fiction, qui a perduré malgré les retards de livraisons liés au Covid lors de la saison dernière (2020-21), avec un nombre de lancements en hausse de 48% à 6 650. Le nombre de séries originales en langue non-anglaise lancées par les plateformes en 2020 était pour sa part en hausse de 53% par rapport à 2019 à 72. En ce qui concerne les genres, tous types de diffuseurs confondus, après l’explosion des thrillers toujours en demande, la comédie est de retour avec des hausses importantes notamment au Japon et au Danemark.

Glance a également noté une montée en puissance en matière de documentaires et séries documentaires, la hausse de l’histoire contemporaine et et des séries true crime se poursuivant, rejoints par davantage de documentaires sur la royauté et sur le sport (notamment après le succès de la série sur la formule 1 de Netflix). Certains sujets forts sont d’ailleurs traités et en série fiction et en série documentaire, comme c’est le cas de Carlos Ghosn dont l’histoire donnera lieu, par la même société de production Alef One (dirigée par Nora Melhli, filiale de Satisfaction) à deux programmes, co-produits avec MBC Studios à Dubai pour sa plateforme Shahid VIP, dont un doc de de 4×45’  sorti en juillet et également produit pour la BBC4, et une fiction à venir de 6×52’.

Côté divertissements, les conférences The Glance et The Wit ont toutes deux souligné le rôle accru de la technologie dans les nouveaux formats alors qu’ils cherchent à se renouveler, comme c’est le cas avec de nouveaux concours de talents, ou plutôt dans ces cas là devrait-on dire concours d’avatars en réalité augmentée, comme Alter Ego lancé le 22 septembre sur la Fox aux USA (où les audiences sont moyennes) et Avastars, projet de Talpa prévu aux Pays-Bas l’an prochain, les concurrents animant leur double à distance en motion capture. Dans un tout autre registre l’émission à venir de Thierry Ardisson où il interview des célébrités disparues, Hotel du temps, utilise la technique du deepfake (qui permet de remplacer un visage par un autre).

A international, les talent shows font un retour, cherchant toujours à s’inspirer du succès de Masked Singer en ajoutant un ‘twist’, élément d’enquête ou de jeu. Les miniatures et l’infiniment petit sont aussi à la mode, cherchant à surfer sur le succès de Lego Masters. The Wit a aussi mis l’accent sur la forte recherche de renouvellement des dating shows, certaines de ces émissions de rencontre obligeant les participants à cohabiter dans de petits espaces comme une maison minuscule ou une caravane, d’autres devenant plus coquines, comme Kinky Daters pour les fétichistes et Love triangle pour les ménages à trois (tous deux lancés en Angleterre cet été sur E4). Les formats et programmes connus se déclinent également de plus en plus, notamment pour en faire des versions pour enfants, qui commencent par ailleurs à avoir des émissions de divertissements dignes des grands, signalait Glance dans sa présentation kids.

The Wit présentait également son nouvel indicateur sur les formats leaders. Pour les six derniers mois, le Royaume-Uni, les USA , les Pays-Bas, et la Corée sont en tête parmi les pays (voir ci-dessus), tandis que Banijay et Fremantle dominent parmi les distributeurs avec une part de marché de 14% et 12,8%, suivis d’All3Media et d’ITVStudios avec 7,1% et 7%.

Femmes en colère

Enfin une tendance qui se détache en fiction en cette rentrée est l’arrivée de séries plus féministes, ou tout du moins tournant davantage autour de personages féminins, plus complexes, qui luttent contre la domination masculine ou contre le système, a mis en avant la présentation FreshTV fiction de The Wit (une tendance qui va d’ailleurs parfois de pair avec l’inclusion de davantage de diversité, en termes d’origine et/ou LGBTQ+). Ainsi, le succès anglais de la rentrée jusqu’à présent est le thriller Vigil dont l’héroïne est une femme flic, lesbienne, évoluant dans un monde d’hommes, et aux prises avec sa propre vulnérabilité, a décrit Virginia Mouseler co-fondatrice de The Wit. Autre thriller psychologique britannique, d’ITV cette fois, Angela Black porte sur le thème des violences domestiques, tandis que d’autre séries mettent en scène des enquêtrices sur des sujets difficiles, comme la série belge à venir (en coproduction avec Arte en France), Lost Luggage inspirée de l’attentat de 2017 à l’aéroport de Bruxelles, ou Furia, femme flic infiltrée dans les réseaux d’extrême droite au Norvège après un meurtre, qui a été produit pour la ZDF et Viaplay où elle a atteint des records en nombre de streams.

En cette rentrée, les femmes sont en colère, lançait Virginia Mouseler, citant aussi parmi les productions récentes, Usual Suspect, série issue de la nouvelle vague turque pour la plateforme Exxen où trois femmes décident de tuer leurs maris violents; la comédie néerlandaise Deep Shit où deux femmes au foyer, après avoir trouvé par hasard le pistolet d’un criminel, vont échapper à la monotonie de leur vie quotidienne; la télénovella hit de la rentrée au Mexique, La Desamalda, adapté d’une série colombienne La Dama de la Troya, où une femme violée quand elle était jeune revient se venger; ou encore, aux Pays-Bas, à nouveau, Inhale Exhale, dans laquelle une citadine, après avoir déménagé à la campagne, devient amie avec une femme boucher dont elle se demande si elle ne tue que des bêtes.. .

La diversité un peu mieux représentée

S’agissant de la parité et de l’inclusion, des thèmes chers au Mipcom, la keynote Women in leadership, a noté les avancées mais souligné que beaucoup de chemin restait à faire, et notamment pour une meilleure représentativité au sein des sociétés. Bibiane Godfroid indiquait que le groupe Newen avait une majorité de femmes cadres, “mais pas partout, pas dans tous les secteurs” a-t-elle commenté, annonçant la création d’un comité diversité et inclusion. “Certains pays font mieux que nous comme le Danemark, nous allons analyser ces examples et voir comment les répliquer”.

Alex Nahon détailla quelques unes des actions de Channel 4, particulièrement actif sur le sujet car la promotion de l’inclusion et la diversité est inscrite dans ses missions. L’avenir de Channel 4, chaîne atypique car publique à but non lucratif avec des missions spécifiques (comme également la production indépendante) mais financée par la publicité, est un peu en suspend, sa privatisation étant envisagé en Angleterre, sujet non évoqué lors de la table ronde. Au sujet des femmes et de la diversité, Alex Nahon insista sur le besoin de changer les choses au niveau managerial, Channel 4 s’est fixé comme objectif d’avoir 50% de femmes parmi les 100 postes les mieux payés, et 20% de personnes provenant des minorités.

“Nous ne devons mener tout cela avec les hommes” tenu à ajouter Bibiane Godfroid ” je ne suis pas sure qu’il soit souhaitable que dans 20 ans tous les dirigeants soient des femmes.” “Quoi que” réagit, l’oeil rieur, Alex Nahon, “ça pourrait être bien!”.

Kate Bukley, Bibiane Godfroid, Alex Nahon et Bouchra Rejani lors de la keynote Women in leadership

Lectures complémentaires :

Le communiqué de NENT Group du 22 septembre 2021 (en anglais) sur le développement international de Viaplay

L’article de Variety, complet sur la conférence The Wit sur les formats: Whips, Traps and Road Trips: Dating Shows Take a Walk on the Weird Side

Article du mois de Juillet 2021 sur le site de CNBC sur les rumeurs de fusion entre NBCUniversal et VIacomCBS, et pourquoi c’est difficilement réalisable

Update 10/11/21 : La décision de privatiser Channel 4 ou non a été repoussée à après le début de l’année prochaine après que je gouvernement ait reçu 60 000 réponses du public à sa consultation sur le sujet, qui suscite beaucoup d’opposition, a révélé le Times. Lire l’article dans TBI

Update 10/11/21 : Nent Group et MGM International Television ont annoncé avoir signé un accord pour le développement et la coproduction de six séries internationales en langue anglaise sur plusieurs années. Viaplay disposera des droits pour les pays nordiques, la Pologne et les Pays Bas, et MGM des droits de distribution pour le reste du monde. Deux titres sont déjà connus. L’un est la série western américaine Billy The Kid développée par le scénariste de Viking , Michael Hirst, coproduite avec Epix Studios. Le second est le thriller apocalyptique Last Night, basé sur le roman d’Alex Scarrow, un projet provenant cette fois de Viaplay Studio, de la société française Make it Happen Studio ( Sidney Gallonde), et de REinvent, qui sera produit en association avec la plateforme américaine, Peacock. Voir l’article de Variety

Update 8/12/21 : Romain Bessi succède à Bibiane Godfroid chez Newen Studios, il est nommé Directeur général à partir du 31 janvier 2022

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