Fusion : TF1 et M6 s’entendent avec Altice pour TFX et 6ter et parlent au Sénat, phase 2 pour l’Autorité de la concurrence

TF1 et M6 ont tous deux annoncé le 28 février avoir consenti une exclusivité au groupe Altice Media pour le rachat de leurs chaînes respectives,  TFX et 6Ter, dans le cadre de leur projet de fusion. 

Les deux groupes doivent en effet se séparer de certaines chaînes afin d’être conforme à la legislation en vigueur, qui requiert qu’un seul opérateur ne puisse pas en éditer plus que sept sur la TNT. M6 a par ailleurs indiqué à l’Arcom compter retirer Paris Première de la TNT (où elle occupe un canal dans l’offre payante) pour la laisser uniquement sur le cable et le satellite. Cela permettrait de ne pas avoir à vendre la chaîne enfant Gulli, pour laquelle le groupe cherchait également de potentiels repreneurs. La décision des autorités de régulation étant attendue pour fin 2022, la fusion elle même se ferait début 2023, les deux chaînes demeureront donc propriété des groupes TF1 et M6 toute cette année. 

Cette vente va permettre au groupe Altice de renforcer sa position sur la TNT où il détiendra cinq chaînes, en ajoutant 3% de part d’audience à ses 6,7% actuels (audience moyenne 2021) soit un total de 10,7% (ce qui en laisse 37,4% à l’ensemble TF1-M6). Le communiqué de TF1 souligne d’ailleurs que l’opération « contribue à la dynamique concurrentielle du paysage audiovisuel français en renforçant un acteur établi, déjà présent dans la télévision avec 3 chaînes nationales sur la TNT, ainsi que dans la radio et le digital ».

TFX, qui occupe le canal 11 de la TNT, est l’ancienne NT1. La chaîne s’adresse à un public jeune et plutôt féminin, avec 3,4% de PdA auprès des FRdA-50 en 2021 pour 1,5% auprès des 4 ans et plus. Pour sa part, 6Ter , également à 1,5% de PdA, fait partie des dernières nées de la TNT de 2012, occupant le canal 22, et visant un public familial. La chaîne a , selon le communiqué de début d’année de M6, renforcé son primetime l’an dernier avec 2,3% de PdA auprès des moins de 50 ans et des FRdA-50, comptant parmi ses succès le docu-réalité Les reines de la route. Les deux chaînes complètent donc le profil d’audience à dominante 25-49 plutôt masculine des chaînes actuelles du groupe Altice sur la TNT: la chaîne d’information BFMTV, la chaîne documentaire RMC Découverte et RMC Story. 

Altice barre par ailleurs la route à un retour sur la TNT de son ancien directeur Alain Weil qui avait créé BFMTV et RMC Découverte avant de revendre son groupe NextRadio à Altice, et avait indiqué être candidat au rachat d’une des chaînes de TF1 et M6 pour créer L’ExpressTV.

Malgré les bons résultats 2021, la fusion plus que jamais nécéssaire

Le processus qui doit mener à la fusion de TF1 et M6 continue par ailleurs de suivre son cours. Les auditions sur le thème de la concentration se sont poursuivies en février au Sénat qui a mis en place une commission à la suite de ce projet de fusion de TF1-M6 ainsi que la prise de contrôle de Lagardère par le groupe Bolloré.

Si TF1 et M6 ont toutes deux affiché de très bon résultats sur l’année 2021 avec des recettes publicitaires et des résultats nets en hausse, la fusion demeure toujours nécéssaire a indiqué le PDG de TF1 Gilles Pelisson lors de son audition mi-février. La durée d’écoute recommence à chuter notamment auprès des cibles publicitaires, tombée sous les 3h quotidiennes auprès des 25-49 ans, tandis celle de la SVOD, à 46 minutes, ne cesse de progresser, a-t-il illustré. Et ce dans un marché de la publicité TV plus ou moins stable autour de 3,3Md$, alors que le marché publicitaire digital, déjà à 7,7Md€ est en forte croissance, et dominé par les trois régies de GAFAM américaines “Facebook, Google et maintenant Amazon”.

“Nous devons compenser la baisse d’écoute du linéaire avec du non linéaire, ce que nous ne pouvons faire seul” a pour sa part argué le patron de M6, Nicolas de Tavernost, auditionné le 28 janvier, ajoutant que l’audience linéaire est maintenant constituée à 68% des plus de 50 ans contre 50% en 2010. Il a signalé par ailleurs que les plateformes sont en train d’habituer le public à ne pas avoir de publicité, “nous devons faire attention”.

“Il nous faut changer complètement, fortement et rapidement afin de s’adapter à cette nouvelle done, sachant que nous avons des contraintes, qui sont des contraintes  d’investissements” a-t-il expliqué. “Nous devons très fortement accélérer nos investissements dans le streaming, adapter notre programmation au nouvel environnement de concurrence,  développer l’info, les magazines, la partie événementielle de nos programmes linaires, continuer à faire du sport, une denrée qui est chère, et évidemment accélérer dans le domaine de la fiction, or la création c’est aussi du cashflow”.

En fusionnant TF1 et M6, le nouveau groupe demeurera plus petit en taille que France Télévisions, a fait également valoir Gilles Pélisson, tandis qu’en amont, le secteur de la production audiovisuelle s’est très fortement consolidé. Dans le divertissements, alors que TF1 parlait avant à plusieurs sociétés comme Shine, Endemol et ALP, elles appartiennent maintenait toutes à Banijay, a-t-il illustré, tandis qu’en fiction beaucoup des interlocuteurs de TF1 ont été rachetés par Mediawan.

Nicolas de Tavernost a également repris sa plaidoirie favorite du groupe opprimé de n’avoir pu se diversifier dans la production. “Les règles d’indépendance sont très strictes et nous n’avons pas pu acquérir certaines sociétés qui sont venues nous voir car nous n’aurions plus pu travailler avec elles” a-t-il lancé, plus ou moins de bonne foi. Rappelons que M6 produit beaucoup de ses formats et émissions de flux (genre où il n’y a pas d’obligation d’indépendance), en interne, via Studio89, et que TF1 a pour sa part beaucoup développé sa filiale production, Newen, qui a d’ailleurs contribué à la hausse du CA du groupe (grace à la croissance externe à l’international, où le groupe de production réalise maintenant 43% de son chiffre).

Lors de son audition, le patron de Banijay, Stéphane Courbit a d’ailleurs pour sa part fait remarquer que les nouveaux décrets venaient de permettre aux chaînes d’avoir davantage de production dépendante qu’avant, et que déjà “si l’on regarde l’access, je crois qu’ils sont passé de 75% de production indépendante en 2016 à 38% actuellement”. “Nicolas de Tavernost n’est généralement pas très mesuré et a toujours été un peu extrême” commentait pour sa part Pascal Breton de Fédération, rappelant que les règles permettent aujourd’hui aux chaînes de réaliser en interne jusque 1/3 des oeuvres audiovisuelles qualifiant dans leurs quotas de production.

En 2021, TF1 a enregistré un chiffre d’affaires en hausse de 16,6% à  2,4Md€, dont +14,2% à 1,7Md€  pour la publicité (+2,5% vs 2019), la reprise économique ayant favorisé la croissance du marché a expliqué le groupe. Les autres activité enregistrent +22,4% à 732M€ (+6,7% par rapport à 2019), en partie grâce à Newen Studios, dont le CA progresse de 43% à 336M€ notamment sous l’effet de la croissance externe à l’international,  qui pèse maintenant pour 47% du chiffre. Le résultat opérationnel courant de TF1 est en hausse de 80% à 343M€, tandis que le résultat net part du groupe quadruple à 225M€. Le coût des programmes s’élève à 981M€, en hausse de 113M€ par rapport à 2021, mais en baisse de 31M€ par rapport à 2019.

Résultats 2021 : TF1 et M6 en grande forme

Pour sa part, M6 a vu son chiffre d’affaires progresser de 9,1% à 1,4Md€ en 2021 (toujours en retrait de 4,5% vs 2019), dont une hausse de 16% des recettes publicitaires à 1,137 Md€, son plus haut niveau historique (+2,7% vs 2019)  et une baisse des autres activités de 13,7%à 252,9M€ (-27% vs 2019) certaines activités (iGraal et Home Shopping Service), ayant été dé-consolidées en 2020. Le résultat opérationnel courant progresse de 28% à 346,7 M€ et le résultat net de 1,5% à 280,8 M€, atteignant tous deux leur record, indique le groupe, ce qui reflète notamment le maintien d’une gestion stricte des coûts de programmes et de structure alors que les revenus publicitaires étaient à la hausse. Le coût de grille TV est toutefois en hausse à 516,6 M€, contre 433,7 M€ en 2020 et 501,3M€ en 2019, les investissements dans les programmes ayant repris avec notamment la diffusion de l’UEFA Euro 2020.

Update 18/03/2022 : L’Autorité de la concurrence a indiqué qu’au terme de la première phase d’examen, le projet de fusion de TF1 et M6 devrait maintenant faire l’objet d’un examen approfondi, dit de « phase 2 ». Elle veut en effet analyser davantage l’impact de l’opération sur “l’acquisition de droits de diffusion de contenus audiovisuels, l’édition et la commercialisation de chaînes de télévision, la distribution de services de télévision, la publicité)”. Elle ajoute qu’elle poussera aussi plus loin lors de cette période l’étude d’impact du développement des nouveaux usages et de la pression concurrentielle exercée par les opérateurs digitaux. Lire le communiqué

Update 25/03/22 : Dans le cadre de la fusion, TF1 et M6 se sont mis d’accord avec France Télévisions pour racheter ses parts de 33,33 % dans Salto pour une valeur de 45M€ ont indiqué les groupes dans un communiqué commun. Salto sera alors détenu à 100% par le nouvel ensemble TF1-M6. L’accord est conditionné à la réalisation de la fusion. Lire le communiqué que le site du groupe TF1.

Recevoir la newsletter de MABtv pour ne pas rater d'article!

×