Plateformes moins dociles : Disney met à mal la chronologie française, d’autres gèlent la production de fiction au Danemark

Les plateformes deviennent moins dociles à la promulgation de nouvelles règles à leur encontre. Alors que Disney a fait savoir que le son film d’animation Strange World ne sortira pas, contrairement aux autres pays, en salles en France à cause de la chronologie des medias, au Danemark trois plateformes y compris régionales s’opposent aux nouveaux termes concernant les droits d’auteurs en stoppant le développement de fiction locale.

Pour ce qui est de Strange World (l’illustration ci-dessus), le film d’aventure, dont le poster et un premier trailer, très rétros, viennent d’être révélés, est prévu de sortir au cinéma pour Thanksgiving en novembre prochain aux États-Unis, avant de rejoindre la plateforme Svod. En France il sera lancé directement sur Disney+. « Alors que nous soutenons le cinéma français depuis des décennies, la lourde, nouvelle chronologie des médias est anti-consommateur,  faisant fi des nouveaux usages qui se sont développés ces dernières années, tandis qu’elle augmente le risque de piratage » a fait savoir le groupe dans une déclaration officielle envoyée au journal Deadline puis à Variety . « Nous continuerons de prendre des décisions film par film selon les spécificités de chaque marché ». 

Réaction immédiate des exploitants

Disney s’était déjà prononcé contre la nouvelle chronologie des medias quand elle fut décidée en début d’année. Alors que les plateformes se sont vues imposer des obligations d’investissement dans le cinéma, leur fenêtre, auparavant en bout de chaîne à 36 mois après la salle, a été réduite à 17 mois (et 15 mois pour les plateformes qui ont un accord avec le cinéma comme Netflix), ce qui est moins que ce qu’elles étaient en droit d’espérer (et très loin de que ce qu’elles pratiquent, mettant en ligne les films aux États-Unis deux à quatre mois après la salle). Le groupe Canal+, qui a pour sa part a bénéficié d’une fenêtre réduite à 6 mois, a en effet conditionné son niveau d’investissement dans le cinéma français au fait qu’il garde 9 mois d’avance sur les plateformes. Par ailleurs, la fenêtre, exclusive elle aussi, des chaînes en clair arrive cinq mois seulement après celle des plateformes.

La Fédération des exploitants français le FNCF a réagit immédiatement trouvant la décision de Disney dommageable pour l’économie du cinéma, estimant l’exploitation injustement instrumentalisée dans cette affaire, et appellant à des réunions orchestrées par le CNC afin de trouver une solution. Selon Variety, l’info déclenche un petit vent de panique. Interrogé par la publication, Eric Marti dg de Comscore Movie France (institut qui recueille les données du box office), estime que si Disney fait la même chose avec trois quatre films par an, et est suivi par Paramount et Warner (qui vont tous deux lancer leur plateforme en France dans les mois à venir), la perte pour les cinémas pourrait représenter 15 à 20 millions d’entrées par an, soit un manque à gagner pour le CNC (financé en partie par une taxe sur les entrées et qui contribue lui même à financer le cinéma français) de 17-18M€.

Précisons tout de même que Disney n’est pas toujours si vertueux en ce qui concerne les sorties cinéma aux USA non plus, ayant décidé de mettre en ligne plusieurs films d’animation directement sur Disney+ sans passer par les salles, alors que celle-ci sont rouvertes, comme ce fut le cas avec le dernier Pixar Turning Red.

Nouvelles règles danoises sur les droits d’auteurs contestées

Au Danemark c’est un autres scénario qui se joue, relayé par la presse locale et internationale. Les plateformes Netflix, TV2Play et maintenant Viaplay ont décidé d’arrêter le développement de fictions locales pour s’opposer à de nouvelles règles concernant les droits d’auteurs introduites par les syndicats de producteurs, Producentforeningen et d’auteurs, Create Denmark. Elle s’ajoutent à la promulgation récente d’une taxe culturelle de 6% sur le chiffre d’affaires des streamers. Viaplay, qui avait prévu de lancer 7 séries et films danois cette année et 10 par la suite, explique sa décision dans une lettre ouverte, indiquant que les nouvelles conditions sont intenables d’un point de vue commercial. La plateforme s’oppose à ce que la rémunération des auteurs soit calculée selon le succès international de la plateforme et non des titres, Viaplay étant loin de ne proposer que de la fiction et un grand nombre de facteurs jouant dans la croissance des abonnés, en premier lieu le sport. En l’état, Viaplay indique n’avoir pas d’autre solution que de stopper la production de fiction au Danemark tant qu’un meilleur accord n’est pas trouvé. “Additionné à l’obligation de 6%, cela risque de faire du Danemark un marché bien moins prioritaire en matière d’investissements dans les contenus locaux”, prévient la plateforme.

Création d’une coalition européenne de plateformes à Bruxelles

Alors que de nouvelles réglementations se multiplient en Europe, les plateformes deviennent moins dociles. Un certain nombre d’entre elles, dont Chili, FilmDoo, NBCUniversal, Netflix, Nokzedoc, Viaplay, Paramount, Pickbox, Sky, Sooner, StarzPlay, TVN, Univerciné Belgium, et Warner Bros Discovery ont créé le 10 mai la European VOD Coalition, basée à Bruxelles. “Les créateurs et producteurs de contenus n’ont jamais eu un si grand choix de partenaires grâce à nos membres” commente dans le communiqué sur cette création, le président de la Coalition, Daniel Friedlaender, Director of European Affairs chez Sky. “Il est temps d’encourager les investissements des acteurs VoD plutôt que de les sur-réguler”.

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